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folie d’entreprendre de soutenir un siège contre l’armée prussienne. »[1]

Les conjonctures ne permettaient plus que l’on différât. C’est alors que la Corderie essaya d’un nouveau mouvement, d’une troisième insurrection. Cette fois, l’affaire avait été préparée de longue main, conçue pour que, si elle aboutissait, elle amenât sans conteste l’instauration de la Commune révolutionnaire qui, avec les ressources immenses dont disposait à ce moment encore la Capitale, malgré les dénégations et les mensonges de la « Défense nationale » put reprendre et mener à ses fins la lutte à outrance contre l’envahisseur et ses alliés de l’intérieur. Rien dans la préparation n’avait été livré au hasard. La Commission de vingt-deux membres, qui administrait le Comité central des vingt arrondissements, avait été chargée de désigner cinq de ses membres avec mandat d’organiser l’insurrection en gardant sur ses plans la discrétion la plus absolue, jusqu’au moment de l’exécution. Ces cinq membres, dont le nom est resté tu, jusqu’à présent, furent Sapia, Tridon, Vaillant, Leverdays et un cinquième. Le secret fut si complètement observé que Blanqui lui-même, dont la Corderie s’était intimement rapprochée depuis le 31 octobre, ne fut averti que le matin même par son vieil ami Flotte. Blanqui se montra très contraire. Il disait : Mais, sans doute, vous entrerez à l’Hôtel de Ville comme dans du beurre : ils ne demanderont pas mieux que de vous laisser les responsabilités de la capitulation. Ce en quoi Blanqui, de sens si sûr d’habitude, se trompait.

Blanqui n’en vint pas moins au rendez-vous et s’établit au café de la Garde nationale, face à l’Hôtel de Ville. Delescluze aussi était venu et se trouvait chez un ami, rue de Rivoli. Tandis que Sapia et Vaillant se portaient avec les bataillons conjurés, ceux des Batignolles et de Montmartre notamment, sur la grande place de l’Hôtel-de-Ville, Leverdays se rendait au square Notre-Dame, au parc d’artillerie où il avait mission de s’emparer des canons et de les diriger sur le champ d’opération.

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PORTRAIT DE SAPIA
D’après un document du Musée Carnavalet.


L’issue brute est connue. Pendant qu’à l’intérieur de l’Hôtel de Ville, Chaudey, l’adjoint de Ferry, parlemente avec les délégués des bataillons, des coups de feu retentissent. Ce sont les mobiles placés derrière les fenêtres préalablement matelassées de la Maison Commune mise tout entière en état de défense par les soins diligents de Chaudey lui-même et de Ferry, qui tirent sur la foule. Les gardes nationaux ripostent ; mais une nouvelle fusillade éclate sur les côtés de la place, prenant de flanc les assaillants. Ce sont des mobiles encore qui tirent en

  1. Enquête sur le 4 Septembre. Déposition de Corbon, maire.