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Les avertissements qui venaient à M. de Gramont d’un esprit de cet ordre ne pouvaient guère avoir grand poids. Mais de quelle étoffe sont donc faits ceux qui conduisent les destinées des nations ? M. de Gramont et M. de Beust, quel couple ! En tout cas, lorsque le 12 juillet M. de Gramont aiguille vers la guerre, il ne pouvait compter avec quelque assurance sur l’assistance de l’Autriche, et dans la séance du 15 juillet, quand un commissaire demanda à M. de Gramont : « Avez-vous des alliances », et quand il répondit : « Si je vous ai fait tout à l’heure attendre, c’est que j’étais en conversation avec l’ambassadeur d’Autriche et le ministre d’Italie » il donnait à entendre, sous ce mystère, beaucoup plus qu’il n’y avait en réalité. C’était encore un de ces mensonges à forme tendancieuse qui égarèrent les esprits. Comment cependant, devant la certitude de la guerre, l’Autriche et l’Italie s’émurent, comment elles craignirent, si elles se détournaient de la France dont le prestige militaire était encore intact, de s’exposer à des chances fâcheuses ou de perdre le bénéfice qu’elles pourraient retirer de leur association à la victoire française, comment il parut possible un moment de les décider à une alliance, mais à la condition que la France laisserait l’Italie occuper Rome, comment l’Empire se refusa à cette concession qui aurait irrité le parti clérical, c’est ce qu’on peut voir dans la très sérieuse documentation du livre de M. Émile Bourgeois sur Rome et Napoléon III.

Ainsi, c’est sans alliés que la France soutint la guerre redoutable, si témérairement engagée, et la même défaite de la démocratie qui avait jeté la France à la guerre lui enlevait toute possibilité d’alliance.

Le césarisme la précipitait aux aventures, et comme il était sous la domination du parti catholique, il rejetait l’alliance de l’Italie moderne. L’heure de l’épreuve était venue.