Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/224

Cette page a été validée par deux contributeurs.

porter atteinte à la dignité nationale ». Quelle occasion admirable pour M. Émile Ollivier de rompre tout le tissu de folie où il s’était laissé envelopper, et de relever devant la France le défi des insensés ! Il ne dit mot.

L’interpellation fut renvoyée au vendredi suivant. La gauche aussi garda le silence. Elle aurait pu cependant préciser au moins sa pensée par la formule collective d’une interpellation. Pourquoi s’est-elle tue à ce moment où les choses paraissaient encore en balance ? Je sais combien en ces minutes critiques la peur de trop dire et d’aggraver le péril qu’on voudrait prévenir, paralyse les hommes. Cependant, la déclaration du ministre était pour étonner et pour inquiéter. Du moment que le prince Antoine avait renoncé pour son fils, du moment que notification officielle de ce désistement avait été faite par l’Espagne, quel objet pouvaient avoir encore les négociations avec la Prusse ? Si on ne voulait obtenir du Roi que l’approbation de ce désistement, la chose semblait facile et on aurait pu en parler sans embarras, car il était clair pour tous que le prince ayant consulté pour accepter, avait consulté pour renoncer. Si donc on s’enveloppait de mystère pour continuer les négociations, c’est qu’on demandait autre chose : quoi ? et n’y avait-il pas folie à produire de nouvelles exigences ? C’est là, semble-t-il, ce que la gauche pouvait et devait demander avant que les destins fussent fixés. Fut-elle retenue par cette appréhension qui saisit les hommes devant l’inconnu des événements et des responsabilités ? ou bien ne voulait-elle pas se commettre dans des solutions qui toutes, sans doute, seraient lourdes ? Trop demander c’était risquer la guerre. Mais si l’opposition proclamait trop haut que le retrait de la candidature suffisait, n’allait-elle pas décharger l’empire du fardeau d’impopularité qu’il allait assumer auprès de la partie exaltée de l’opinion ?

Tant pis pour l’Empire si après ses incohérences, ses platitudes, ses rodomontades, il subissait un nouvel échec ! Tant pis pour la dictature scélérate et incapable qui abaissait la France après l’avoir opprimée, si, après les fanfaronnades du 6 juillet, elle était obligée de se sauver par la porte basse, par la dépêche du prince Antoine ? Mais pourquoi la France de la liberté, la France de l’avenir prendrait-elle à sa charge toutes ces misères de la servitude ? Est-il vrai, comme l’indique dans son livre M. Giraudeau, que « Gambetta, dans la salle des conférences, déclarait hautement que la satisfaction offerte était dérisoire » ? La Liberté essaya de le décider à intervenir : « On nous dit que le cabinet éprouve de « patriotiques angoisses » et qu’il se montrerait disposé, si le roi de Prusse empêche le prince de Hohenzollern d’accepter la couronne d’Espagne, à se contenter de cette mince satisfaction.

« S’il en était ainsi, nous n’hésiterions pas à nous séparer du ministère avec la même énergie que nous avons mise à son service.

«… La Chambre est comme les ministres, elle a besoin de popularité. Si le