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« Le prince de Hohenzollern ne régnera pas en Espagne ; nous ne demandons pas davantage, et c’est avec orgueil que nous saluons cette solution pacifique, qui ne coûte ni une larme, ni une goutte de sang. » Il aurait suffi à M. Émile Ollivier de tenir ce langage à la tribune pour que tout péril fut conjuré. N’aurait-il pu en trouver la force dans les avertissements amicaux, pressants, presque suppliants, que le ministre anglais adressait au gouvernement français, l’adjurant de se contenter du retrait de la candidature ?

Au Corps législatif, dans l’après-midi, insignifiance générale. Le duc de Gramont, qui n’avait pas encore la réponse à sa demande de garanties, se borna à une déclaration sommaire et vague. « L’ambassadeur d’Espagne nous a annoncé officiellement, hier, la renonciation du Prince Léopold de Hohenzollern à sa candidature au trône d’Espagne.

« Les négociations que nous poursuivons avec la Prusse, et qui n’ont jamais eu d’autre objet, ne sont pas terminées. Il nous est donc impossible de soumettre aujourd’hui à la Chambre et au pays un exposé général de l’affaire ». Le duc de Gramont dit dans son livre « qu’il avait été convenu qu’en aucun cas le gouvernement ne se laisserait entraîner à une discussion qui n’eût pas manqué d’augmenter les difficultés de la situation ». Pourquoi ? Si le gouvernement ne tenait pas à la garantie que subitement il avait demandé, il fallait la retirer tout de suite : car elle créait, sans un intérêt essentiel, la plus grave complication. S’il y tenait au contraire et s’il était résolu à l’exiger, pourquoi ne pas associer à cette demande le pays qui, tout à l’heure, porterait le poids des événements ? M. le duc de Gramont se donne, dans son plaidoyer, le mérite d’avoir fait effort dans le sens de la paix en donnant à la communication de la dépêche du prince Antoine un caractère officiel. Mais, en vérité, pouvait-il faire autrement ? et l’ambassadeur espagnol n’était-il pas venu la lui communiquer ? Le crime, c’est de n’avoir pas tiré parti de cette visite pour dire aux violents, aux forcenés, aux fanfarons, qui raillaient la dépêche du prince Antoine : En nous parvenant par l’ambassade espagnole et par l’Espagne même, elle prend une valeur officielle ; et si, comme nous avons tout lieu de l’espérer, le roi de Prusse veut bien à son tour la communiquer à notre ambassadeur et lui dire qu’il l’approuve, l’incident est réglé au mieux des intérêts de la France et de l’Europe. Cependant, les belliqueux à outrance s’emportaient contre ce délai. À l’interpellation Duvernois, formulée la veille, M. Jérôme David, le chef de la droite césarienne, en joignait une autre, dont la formule était une sommation aux ministres, une menace pour les tièdes. « Considérant que les déclarations fermes, nettes, patriotiques du ministère, à la séance du 6 juillet, ont été accueillies avec faveur par la Chambre et par le pays ; considérant que ces déclarations du ministère sont en opposition avec la lenteur dérisoire des négociations avec la Prusse, je demande à interpeller le ministre sur les causes de sa conduite à l’extérieur qui, non seulement jette la perturbation dans les branches diverses de la fortune publique, mais aussi risque de