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et des désespoirs. Ils sont rejetés vers Sedan comme au fond d’un entonnoir, tout à la merci des canons de l’Allemagne. À trois heures de cette tragique et douloureuse journée du 1er septembre, la partie est définitivement perdue pour l’armée française. Napoléon acculé fait hisser sur la Maison de Ville le drapeau blanc. Il fait porter au roi de Prusse ce petit billet : « Monsieur mon frère, n’ayant pu mourir au milieu de mes troupes, il ne me reste qu’à remettre mon épée dans les mains de Votre Majesté. Je suis de Votre Majesté le bon frère. C’était la capitulation. Elle fut signée le lendemain 2 septembre.

Le 4, la révolution éclatait à Paris. Le Corps législatif était envahi par les républicains et aussi par les orléanistes.

Gambetta, après avoir inutilement tenté d’obtenir du peuple qu’il laisse le Corps Législatif prononcer la déchéance, la prononçait lui-même du haut de la tribune. La gauche de l’Assemblée allait à l’Hôtel-de-Ville, pour y proclamer la République et pour en arracher la direction aux groupements socialistes révolutionnaires qui s’y étaient installés.

Un gouvernement provisoire, formé des députés de Paris et présidé par le général Trochu, se constituait pour assurer la défense nationale.

Le prolétariat révolutionnaire de la capitale faisait savoir, par une proclamation signée de Blanqui et de ses amis, qu’il ajournait toutes ses revendications particulières et qu’il était résolu à soutenir de toute sa force le Gouvernement nouveau si seulement celui-ci était énergique et protégeait contre la réaction et contre l’étranger la république naissante et la patrie menacée.

La révolution républicaine éclatait en même temps qu’à Paris dans plusieurs grandes villes de France. Le pays tout entier, épouvanté des désastres où l’avait jeté le pouvoir personnel, acceptait pour la sauvegarde de l’indépendance nationale le gouvernement nouveau.

Un espoir restait encore. C’est que Bazaine, dont l’opinion ne soupçonnait pas encore l’incapacité ou la félonie, tînt bon dans Metz et immobilisât une partie des forces allemandes. C’est que Paris, organisant pour une résistance acharnée sa population immense, arrêtât et usât l’envahisseur et donnât à la France ranimée le temps de susciter des armées nouvelles. Mais malgré de beaux élans, malgré l’activité passionnée et la confiance indomptable de Gambetta ce double espoir s’évanouit.

À Metz, l’œuvre d’inertie et de trahison continue et aboutit à la catastrophe.

À la chute de l’Empire les rêves politiques qui hantaient le cerveau de Bazaine se précisent. Il s’imagine que le drame militaire est fini, que la France est désormais incapable de lutter.

Le gouvernement qui s’est installé à Paris n’est qu’un gouvernement de démagogie et d’aventure qui va sombrer bientôt sous ses propres divisions.

L’Allemagne n’aura plus en face d’elle que le néant, mais le néant agité et convulsif. Il ne restera plus qu’une force capable de discipliner les événements :