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«  Veuillez vous rendre immédiatement auprès du Roi pour lui demander cette déclaration, qu’il ne saurait refuser, s’il n’est véritablement animé d’aucune arrière-pensée. Malgré la renonciation, qui est maintenant connue, l’animation des esprits est telle que nous ne savons pas si nous pourrions la dominer.

« Faites de ce télégramme une paraphrase que vous pourrez communiquer au Roi. Répondez-moi le plus promptement possible. »

De Saint-Cloud, l’Empereur faisait tenir, dans la soirée, la lettre suivante à M. de Gramont :

« Mon cher Duc,

« En réfléchissant à nos conversations d’aujourd’hui et en relisant la dépêche du prince Antoine, je vois qu’il faut se borner à accentuer davantage la dépêche que vous avez dû envoyer à Benedetti, en faisant ressortir les points suivants :

« 1o Nous avons eu affaire à la Prusse et non à l’Espagne ;

« 2o La dépêche du prince Antoine adressée à Prim est un document non officiel pour nous, que personne n’a été chargé en droit de nous communiquer ;

« 3o Le prince Léopold a accepté la candidature au trône d’Espagne et c’est le père qui renonce ;

« 4o Il faut donc que Benedetti insiste, comme il en a l’ordre, pour avoir une réponse catégorique par laquelle le Roi s’engagerait, pour l’avenir, à ne pas permettre au prince Léopold (qui n’est pas engagé) de suivre l’exemple de son frère, et de partir un beau jour pour l’Espagne ;

« 5o Tant que nous n’aurons pas une communication officielle d’Ems, nous ne sommes pas censés avoir eu de réponse à nos justes demandes ;

« 6o Il est donc impossible de faire une communication aux Chambres avant d’être mieux renseignés.

« Recevez, mon cher Duc, l’assurance de ma sincère amitié.

« Napoléon. »

Tout cela est misérable, car il était clair que si le roi de Prusse laissait se produire un désistement qui, quelle qu’en fût la forme, était très mortifiant pour son amour-propre, ce ne serait pas dans la pensée de rouvrir l’incident. Ces sortes d’affaires une fois manquées ne se reprennent pas ; et cela encore, au lieu de le demander au roi de Prusse, la diplomatie impériale pouvait le constater comme l’inévitable conséquence du retrait. Mais il y a dans la lettre de Napoléon un petit mot qui inquiète la curiosité : que veut donc dire l’Empereur quand il prie son ministre de se borner à accentuer davantage la dépêche qu’il a dû envoyer à Benedetti ? Cette dépêche, il est clair qu’elle a été rédigée