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commencer ; nous n’attendons plus que votre dépêche pour appeler les 300.000 hommes qui sont à appeler. Je vous en prie instamment, écrivez-nous, télégraphiez-nous quelque chose de bien clair. Si le Roi ne veut pas conseiller au prince de Hohenzollern de renoncer, eh ! bien, c’est la guerre tout de suite, et, dans quelques jours, nous sommes au Rhin. Le Roi est désormais en cause. Après l’aveu qu’il a fait d’avoir autorisé l’acceptation, il faut qu’il la défende ou, du moins, qu’il conseille et obtienne la renonciation ; mais ce qui est pour nous plus important que la renonciation elle-même, c’est de savoir promptement à quoi nous en tenir. »

En même temps, M. de Gramont transmettait à M. Benedetti le télégramme qu’il avait reçu de notre ambassadeur à Madrid : « Le régent est arrivé ; j’ai eu avec lui une très longue conversation. Il a trouvé les ministres inclinés à la prudence, et il désire sortir de l’affaire d’une manière convenable. Il pense, comme le maréchal Prim, que le meilleur moyen, puisque la Prusse prétend n’avoir été pour rien dans l’entreprise, ce serait que le roi de Prusse refusât son consentement. Il avoue que l’opinion n’est plus ce qu’elle était au premier moment. »

Mais aussitôt, le duc de Gramont était pris d’une peur : c’est que l’Espagne agit trop pour obtenir la renonciation et que la mortification infligée au roi de Prusse en fût amoindrie. Dans la nuit du 10 juillet au 11, à une heure du matin, il télégraphie à M. Benedetti : « Vous ne pouvez vous imaginer à quel point l’opinion publique est exaltée. Elle nous déborde de tous côtés, et nous comptons les heures. Il faut absolument insister pour obtenir une réponse du Roi, négative ou affirmative. Il nous la faut pour demain, après-demain serait trop tard.

« Le régent d’Espagne, après une conférence, a décidé d’envoyer au prince quelqu’un qui sera autorisé à voir le Roi et même M. de Bismarck pour demander le retrait de la candidature ; ce sera le général Dominguez ou M. Silvela. Vous pouvez vous servir de cette information si vous le jugez nécessaire au succès de vos efforts ; mais il serait bien préférable pour le gouvernement de devoir le retrait de la candidature à la seule intervention du Roi. »

Cependant, le 10 juillet au soir, à huit heures, M. Benedetti télégraphie à son chef dans l’espoir de calmer un peu son impatience fébrile, « M. de Werther vient de me faire espérer que le Roi pourrait me demander demain de reprendre notre entretien. Sa Majesté a reçu aujourd’hui des dépêches du prince Antoine de Hohenzollern ; le prince Léopold n’était pas auprès de son père ; les informations parvenues à Sa Majesté sont encore incomplètes ou insuffisantes. Vous me permettrez d’ajouter, qu’à mon sens, la guerre deviendrait inévitable si nous commencions ostensiblement des préparatifs militaires. »

Un jour encore, deux jours peut-être de délai : était-ce trop ou pour