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retraite était retardé et un jour de plus était donné à l’armée allemande pour l’opération hasardeuse qu’elle avait entreprise.

M. de Moltke, après avoir rapproché et remis en contact ses trois armées, décida que par un mouvement de conversion à droite, c’est-à-dire ayant l’aile droite pour pivot, l’ensemble des forces allemandes tournerait de façon à déborder Metz et à couper au maréchal Bazaine la retraite de Metz sur Verdun. L’opération offrait pour les Allemands un double péril ; ou bien le maréchal Bazaine, pressant le mouvement de retraite de toutes ses forces, pouvait culbuter l’extrémité gauche de l’armée allemande jetée témérairement sur la route de Metz à Verdun, ou bien le maréchal Bazaine pouvait ramasser ses forces pour une action décisive et, profitant du long mouvement tournant qui déployait les forces de l’ennemi, porter des coups terribles sur les points les plus faibles de cette ligne flottante. On a vu que par le temps perdu à l’inutile bataille de Borny, le maréchal avait délivré l’armée allemande du premier danger ; il la délivra du second en ne donnant pas, dans les grandes batailles qui allaient se livrer autour de Metz, tout l’effort d’offensive qu’il pouvait donner.

Le 16 août les troupes françaises étaient en arrière de Metz, le long de la route de Verdun, elles étaient développées de Rezonville à Mars-la-Tour. Les Allemands, pour couper la route de Verdun, avaient franchi la Moselle, ils avaient donc cette rivière à dos et une défaite aurait pu aisément se changer pour eux en désastre.

À ce moment encore, et malgré la faute commise à Borny, le maréchal Bazaine pouvait s’il l’eût voulu maintenir ouverte à son armée la route de Verdun, c’est-à-dire de Châlons. Le maréchal de Moltke, qui n’a aucun intérêt à atténuer le mérite des opérations militaires allemandes en attribuant à des motifs politiques la conduite de l’armée française, le déclare expressément. « Les Français, écrit-il à propos de la journée du 16 août, se trouvaient dans une situation extrêmement favorable, le flanc gauche de leurs positions était protégé par la place de Metz, tandis que leur flanc droit était couvert par de fortes batteries établies sur la voie romaine et une nombreuse cavalerie. Ils pouvaient en toute sécurité attendre l’attaque de front que dirigeait contre eux leur téméraire adversaire.

« À la vérité, il ne pouvait plus être question pour eux de continuer ce jour-là leur marche sur Verdun en laissant peut-être devant l’ennemi une forte arrière-garde. Si le maréchal Bazaine avait voulu, en général, rendre cette retraite possible, il eût dû prendre l’offensive et se débarrasser des corps prussiens qu’il avait directement en face de lui. Pourquoi n’a-t-il pas agi de la sorte ? Il n’est pas facile de s’en rendre compte en ne considérant que les raisons purement militaires. Il lui était pourtant facile de constater avec une certitude absolue qu’une partie seulement des troupes allemandes, et très probablement une partie peu considérable pouvait dès maintenant se trouver sur la rive gauche de la Moselle et quand, dans le courant de la journée, leurs divisions