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politique aurait été plus jurande que celle du Parlement du Nord. Par là, peut-être, les démocrates du Wurtemberg auraient pu être acquis à la combinaison. À vrai dire, les difficultés auraient été grandes. Bade, tout entier dévoué à la Prusse, aurait sans doute appelé celle-ci. Si ce rêve traversa un moment esprit de M. de Hohenlohe, qui se serait haussé par là à un rôle de premier ordre, il ne s’y arrêta pas. Lorsque le prince Napoléon, voyageant en Allemagne, entretint M. de Hohenlohe à Munich (le 5 juin 1868) de cette hypothèse, il ne lui en parla que comme d’une chose morte. « La Fédération de l’Allemagne du Sud avait été possible d’abord ; elle ne l’était plus. Le Wurtemberg aurait renoncé à son autonomie en faveur d’une grande Allemagne, non en faveur de la Bavière. Oui, si le roi de Bavière voulait tout risquer au jeu, monter à cheval et, avec l’aide de la Révolution, chasser le roi de Wurtemberg et le grand-duc de Bade, alors oui, il serait possible de fonder un royaume de l’Allemagne du Sud, qui aurait dans l’Autriche et la France de bons alliés. » Et le prince ajoutait : « Je n’ai jamais compris la triade (c’est-à-dire la répartition des forces allemandes en trois groupes : Allemagne du Nord, Allemagne du Sud, Autriche) avec deux souverains et une Confédération. Il n’y a qu’une monarchie centralisée qui pourrait fonder la triade. Mais c’est une voie dangereuse, et il y faudrait un monarque déjà mûri, très populaire en Allemagne, et résolu à une démarche hardie. »

Ainsi M. de Bismarck n’avait pas besoin de grands efforts de diplomatie pour empêcher les États du Sud de se fédérer conformément aux prévisions du traité de Prague. M. de Beust avait fait en ce sens auprès de M. de Hohenlohe, le 4 novembre 1867, une dernière tentative qui demeura vaine. « Il me raconta, note le ministre bavarois, qu’il avait eu à Paris avec Goltz (l’ambassadeur de la Confédération du Nord) un long entretien, et qu’il lui avait fait remarquer que la question allemande devait être réglée de telle sorte que tout prétexte de guerre fût enlevé aux Français. La France se représente que la Prusse veut incorporer toute l’Allemagne, et on ne peut effacer cette idée qu’en organisant une Confédération du Sud. La forme était indifférente. Goltz avait déclaré approuver cela, et il avait nomme ce projet « un provisoire définitif ». M. de Beust est convaincu que c’est le seul moyen de maintenir la paix, et, si nous voulions faire des démarches en ce sens à Berlin, il nous appuierait. » Mais tout cela n’était que des mots. Le Sud était trop discordant pour trouver aussi vite une organisation d’unité. Et M. de Bismarck espérait sans doute que le sentiment prolongé de cette impuissance et des périls où cette sorte d’isolement jetterait un jour les États du Sud les amènerait à se rapprocher spontanément de la Confédération du Nord. Aussi bien il avait contre eux, s’ils se détournaient de lui, s’ils n’accomplissaient pas loyalement la convention militaire, une double sanction. Il pouvait les rejeter de l’Union douanière, et, par là, les ruiner. Il pouvait aussi menacer la Bavière de représailles. Celle-ci avait joué double jeu en 1866. Elle avait, très lentement il est