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peuple ; elle se leva, elle prit dans ses mains l’étendard de la nationalité, l’étendard de l’unité, et elle fit sacrer à Reims son roi et sa patrie (très bien ! très bien !). Et depuis, la France a été puissante, forte et glorieuse. Pourquoi ne voudrions-nous pas que l’Italie devienne à son tour puissante, forte et glorieuse ? (Marques d’approbation). Pourquoi éprouverions-nous des inquiétudes, de l’ombrage, parce que, à nos côtés, d’autres s’élèvent et se civilisent ? Je comprends autrement la grandeur de mon pays auquel je suis aussi profondément attaché que vous. Ce que je veux pour lui, ce que nous devrions tous vouloir pour lui, ce n’est pas qu’il soit grand au milieu des faibles, mais qu’il soit grand parmi des forts (très bien !) ; non pas qu’il soit puissant au milieu de nations partagées et divisées, mais qu’il soit puissant au milieu de nations compactes et affranchies, de manière que l’Europe soit semblable à la lyre aux sept cordes dont parle le poète antique, dont toutes les cordes vibraient harmonieusement unies. »

Évidemment, cela vaut pour l’Allemagne comme pour l’Italie, et à mesure que va se développer la crise allemande, M. Émile Ollivier n’hésitera pas devant l’application de la doctrine internationale qu’il a dès l’abord formulée. Après les élections de 1863, quand, dans l’opposition accrue, il commence à s’isoler un peu, à se frayer un sentier à part, il est le seul qui parle d’emblée des choses allemandes avec quelque équité et quelque largeur de vues. Il disait, le 27 mars 1865 : « Par une contradiction, en vérité, que je ne puis comprendre, les mêmes personnes qui demandaient au Gouvernement de reconnaître aux Romains le droit de disposer d’eux-mêmes l’ont pressé, dans les affaires d’Allemagne, d’aider le Danemark à maintenir une domination détestée sur des populations qui, depuis 1848, livrent au Nord un combat pour l’indépendance semblable à celui que les Italiens soutiennent, depuis la même époque, au Midi. Le Gouvernement a été plus sage que ces conseillers. Il n’a pas cru qu’il lui fût permis en Allemagne de violer le principe qu’il respectait en Italie ; et, au Nord comme au Midi, il a subordonné sa politique au principe de non-intervention. Je l’en félicite hautement. » Quelques jours après, le 10 avril 1865, il précise et justifie sa thèse, en réponse à un discours de Jules Favre : « Dans l’intérêt de la politique générale de mon pays, je serais désolé que l’on pût croire en Allemagne que l’opinion du parti libéral français, sur la question danoise, est celle qui a été exprimée par l’éloquent M. Jules Favre. À l’entendre, le Gouvernement mérite les critiques les plus vives ; il n’a cessé de flotter de l’incertitude à la contradiction. Selon moi, il ne mérite que des remerciements pour la logique et la sagesse de sa conduite. (Très bien ! très bien !)

« Sans entrer dans les détails épineux d’une question diplomatique allemande, et en ne sortant pas d’explications toutes françaises, je crois qu’il me sera facile de justifier mon opinion.

« Qu’a fait la France dans la question allemande ? quelque chose de bien simple qui, pour être compris, ne demande aucun développement. Elle a