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prétend sauvegarder en Italie. Sa politique, qui désavoue toutes les ambitions de conquête, ne poursuit que les satisfactions et les garanties réclamées par le droit des gens, le bonheur des peuples et l’intérêt de l’Europe. En Allemagne comme en Italie, elle veut que les nationalités reconnues par les traités puissent se maintenir et même se fortifier, parce qu’elle les considère comme une des bases de l’ordre européen.

« Représenter la France comme hostile à la nationalité allemande n’est donc pas seulement une erreur, c’est un contre-sens.

« La politique de la France ne saurait avoir deux poids et deux mesures ; elle pèse avec la même équité les intérêts de tous les peuples. Ce qu’elle veut faire respecter en Italie, elle saura le respecter elle-même en Allemagne. »

« Voilà un langage dont la netteté est parfaite : il ne laisse aucune ambiguïté sur les desseins du gouvernement, et le 12 janvier 1863, dans son discours d’ouverture de la session législative, l’Empereur disait :

« On se plaît ordinairement à chercher dans les actes des souverains des mobiles cachés et de mystérieuses combinaisons ; et, cependant, ma politique a été bien simple : accroître la prospérité de la France et son ascendant moral sans abus comme sans affaiblissement du pouvoir réuni entre mes mains ; à l’extérieur, favoriser dans la mesure du droit et des traités, les aspirations légitimes des peuples vers un meilleur avenir ».

« Je sais que ma discussion ne serait pas loyale si je n’avertissais pas la Chambre à cet égard que l’Empereur, en tenant ce langage, parle des traités. Mais n’a-t-il pas été le premier à reconnaître leur insuffisance, et ne les a-t-il pas déchirés lui-même et de son épée et de sa parole ? n’est-il pas évident que lorsqu’on parle de la nécessité de l’unification de l’Allemagne, ce respect dû aux traités ne peut tromper personne ? Il s’agit de l’expansion d’une grande pensée nationale à laquelle jamais la France ne fera obstacle. »

«… J’ai mis sous vos yeux, Messieurs, des documents antérieurs et des documents postérieurs aux événements des mois de juin et de juillet 1866. Ils contiennent tous le même enseignement. Cet enseignement a une force irrésistible : c’est que, s’opposer aux desseins et aux destinées de l’Allemagne, ce serait une folie coupable, ce serait mettre contre nous toute la race germanique ; ce serait, comme le dit bien M. le comte de la Tour d’Auvergne à lord John Russell, entreprendre une guerre qui serait le fléau de l’Europe, qui la couvrirait de ruines et de sang. Par conséquent, nous ne pouvons songer à une pareille politique. C’est vers de tout autres desseins que nous devons nous tourner.

« Si ce sont, Messieurs, d’autres desseins qui doivent nous inspirer, à bien plus forte raison devons-nous les suivre lorsque les faits ont parlé.

« Certes, Messieurs, je ne veux pas dire qu’il y ait tout à approuver dans les procédés de M. de Bismarck ; j’ai protesté énergiquement contre eux à cette tribune : j’ai rappelé à la Chambre comment il avait courbé les populations