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ouvertes par le gouvernement. Enfin l’Empereur lui-même, par des dons personnels, manifestait sa munificence. Beaucoup d’institutions de bienfaisance et de charité furent aidées ou soutenues par le gouvernement. Des décrets les placèrent sous le patronage de l’Impératrice : celui du 2 février 1853 lui confia la présidence des sociétés de charité maternelle ; un autre plaça sous son patronage les neuf établissements de bienfaisance gérés par l’État. Deux hospices de convalescents furent bâtis au Vésinet et à Vincennes. En 1856, fut créé, aux frais de la Ville de Paris, l’Orphelinat du Prince Impérial : c’était le cadeau, que sur le désir de l’Impératrice, elle faisait au prince qui venait de naître.

L’Empereur soutenait de ses encouragements et au besoin même de son argent les industriels qui élevaient des habitations ouvrières, fondaient autour de leurs usines des institutions de patronage, des caisses de retraites ou de secours, des salles d’asile, des économats. Le 10 juin 1853, avait été fondé par Jean Dollfus la « Société mulhousienne des cités ouvrières » qui, en treize ans, fit bâtir plus de 600 maisons.

Mais les initiatives de la classe ouvrière rassuraient moins. Les rapports des procureurs et des préfets avaient appris à l’ancien président comment les sociétés de secours mutuels pouvaient servir de centre de groupement à des républicains, à des ennemis du pouvoir, comment des groupements de défense ouvrière se laissaient entraîner à la politique. Au lendemain du Coup d’État, toutes les sociétés ouvrières avaient été traquées : à Lyon, le général de Castellane n’en avait pas laissé subsister une. Les coopératives de consommation, la « Société des Ménages », à Paris, l’« Association de l’Humanité », à Lille, la « Société des Travailleurs unis », à Lyon, l’« Association fraternelle des Travailleurs unis », a Voiron, et combien d’autres ? furent contraintes de liquider et de vendre leur matériel. Les associations de production furent aussi dispersées. Taxile Delord estime que sur 290 sociétés existant alors en France, 15 seulement survécurent. Les sociétés de secours mutuels elles-mêmes n’avaient pas été toujours épargnées.

Mais le gouvernement sentait bien qu’il était difficile d’empêcher complètement l’exercice de l’association en vue du secours mutuel ; et il pressentait tout le bénéfice que sa politique sociale pourrait retirer de la mutualité, s’il savait l’organiser.

Les sociétés suspectes venaient à peine d’être supprimées que le décret du 22 janvier 1852, toujours le décret de spoliation de la famille d’Orléans, prévoyait sur les biens de cette famille une dotation de dix millions pour les sociétés de secours mutuels. Mais le décret-loi du 26 mars fixait, quelques semaines plus tard, à quelles conditions la plupart des sociétés feraient bien de se soumettre, si elles voulaient avoir la vie assurée.

Le décret prescrivait, en effet, la création, par les soins du maire et du curé, d’une société de secours mutuels dans toute commune où l’utilité en aurait été reconnue. Et il créait, à cet effet, à côte des sociétés libres et des