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des plus sympathiques au prince. Le clergé manifesta hautement son approbation du coup d’État.

En échange, il reçut des faveurs nombreuses. Poussé par ses propres fonctionnaires, qui sentaient bien dans les départements tout l’intérêt de l’appui catholique, le gouvernement ne refusa aucun honneur, aucun privilège au clergé. Les croix détruites furent rétablies sur leurs socles ; les fonctionnaires furent invités à assister aux processions ; les missions de propagande catholique furent autorisées, aidées, dans l’espoir qu’elles opposeraient « un obstacle sérieux à la propagande révolutionnaire, au développement des associations démagogiques ». Des fonctionnaires furent révoqués pour n’avoir point assisté à un service religieux. Le Panthéon était rendu au culte ; les conditions de la reconnaissance légale étaient simplifiées pour les congrégations de femmes ; les émoluments des évêques étaient accrus ; les écrits calomnieux pour la religion étaient écartés du colportage ; et, chose inouïe, le clergé au milieu de l’universelle compression, garda la liberté de se réunir en conseils provinciaux. « Jamais, avoue M. de la Gorce dans son Histoire du second Empire (I, 135) plus de présents ne furent faits aux Églises ; jamais plus de sollicitude ne fut apportée à relever les édifices religieux ; jamais le matériel du culte ne reçut plus d’accroissements ». Les préfets célébraient la Providence en tous leurs discours, et demandaient l’indulgence de l’évêque pour les fêtes officielles les jours d’abstinence. « Les bonapartistes, écrivait Schœlcher, vont à la messe à tort et à travers ». Et, guidés par l’Univers, les curés de campagne, à tort et à travers aussi, chantaient au seigneur leurs Salvum fac Imperatorem.

À la faveur de la loi de 1850, le catholicisme mettait la main sur la jeunesse. Lacordaire développait le collège de Sorèze ; Gratry et Petétot restauraient la congrégation de l’Oratoire. Puis, les conférenciers de Notre-Dame s’adressaient au grand public. Les maisons de charité, les asiles, les crèches, les visites des petites sœurs des pauvres ou des Messieurs de la Société de Saint-Vincent-de-Paul permettaient de maintenir dans la fidélité à Dieu et à l’Empereur les pauvres de Paris ou des grandes villes. On comprend le mot de Veuillot : l’Empire était bien, pour les catholiques, « un don de la Providence. »

Mais ce qui marque le mieux à quel point le parti catholique était partie constitutive du système, c’est que de 1852 à 1858, seul il put faire entendre sa voix, seul il put esquisser une opposition.

Tandis en effet que Veuillot, tandis que l’Univers et la démagogie des curés de campagne se ruent aux pieds de César ; tandis que, guidé par des instructions de Rome, tout ce monde célèbre le « vrai pouvoir catholique » et redoute d’entraver l’œuvre efficace des Congrégations par la moindre brouille avec le pouvoir, quelques hommes sentent qu’ils peuvent élever la voix, et que ce même pouvoir leur doit trop pour les faire taire.

Cette opposition, ce sont les protagonistes du parti catholique, au temps