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Ces agents dangereux devront être arrêtés et incarcérés chaque fois que leur présence vous sera signalée. Un certain nombre de communes subissent le joug de quelques-uns de ces hommes, qui ne doivent leur domination qu’à la terreur qu’ils inspirent. Les perquisitions et les saisies qui ont eu lieu sur plusieurs points auront dû faire découvrir la preuve de leur affiliation aux sociétés secrètes. Ils devront subir les conséquences de leur position. Beaucoup de repris de justice ou surveillés sont une cause d’inquiétude dans les communes qu’ils habitent. Vous leur assignerez de nouvelles résidences où leur séjour sera sans inconvénient. S’ils rompent leur ban, vous donnerez des ordres pour qu’on s’assure de leur personne. Enfin, vous vous souviendrez que le décret du 8 Décembre met en vos mains une arme dont vous pourrez vous servir sans hésitation à l’égard de tous les individus qui tombent sous le coup de cette haute mesure de sûreté générale. »

Ainsi armés, les représentants de l’autorité pouvaient aller vite en besogne. Aux termes du décret de 1848, étaient réputées sociétés secrètes toutes les sociétés ou même toutes les réunions illégales. Rapidement même, sur le conseil de plusieurs procureurs, les poursuites contre les insurgés et les poursuites contre les affiliés furent réunis. Perquisitions et dénonciations firent rage.

Les arrestations furent innombrables. A Paris, dès le soir du 4, leur nombre s’élevait à 2.133 et il y en eut au moins autant qui furent opérées les jours suivants. On les « entassait dans les prisons comme du bétail ». A Ivry. où Démosthène Ollivier fut emprisonné, « les ouvertures sont tellement rétrécies qu’on peut à peine lire en plein jour : l’air manque ; la poussière qui s’élève de la paille peu abondante sur laquelle reposent nos paillasses, produit sur les poumons l’effet de l’acide carbonique. La vermine nous enveloppe ; il est impossible de s’y soustraire ; elle engendre des pustules sur le corps de la plupart des prisonniers ». En province, les battues organisées amènent un tel nombre d’arrestations que les magistrats ne savent plus où loger les prisonniers et demandent ce qu’on peut en faire. A Auxerre, la maison d’arrêt, la caserne, un autre bâtiment encore sont encombrés.

L’internement, l’éloignement, l’expulsion, et surtout, aux termes du décret du 8 Décembre, la transportation en Guyane ou en Algérie, telles étaient les peines qui allaient atteindre ces prisonniers.

Cependant les décrets du 9 Janvier 1852 frappaient les membres de l’Assemblée dissoute. Dix-huit étaient « éloignés momentanément », et parmi ceux-là, six républicains, dont Edgard Quinet ; soixante-six, tous Montagnards étaient « expulsés » et menacés de la déportation, s’ils rentraient en France. Enfin, cinq devaient être déportés à la Guyane : le premier, Mathé, s’évada ; Marc Dufraisse, Greppo et Richardel durent à George Sand la commutation de leur peine en bannissement ; Miot, seul, fut déporté, en Algérie.