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a tous les gouvernements bourgeois, « sans distinction de forme ni de couleur » et que les discussions purement politiques étaient bien vaines.

C’est alors que la bataille fut livrée entre le mutuellisme et le collectivisme. La commission, nommée pour l’examen de la question de la propriété, proposait an Congrès les deux résolutions suivantes :

« 1 Le Congrès déclare que la société a le droit d’abolir la propriété individuelle du sol et de faire entrer le sol à la communauté ;

« 2° Il déclare encore qu’il y a aujourd’hui nécessité de faire entrer le sol à la propriété collective ».

Une fois encore, les Proudhoniens défendirent leurs idées : la rémunération équitable du travail individuel, la réciprocité des services et la mutualité des garanties. Leurs arguments furent combattus par Lucraft, Lessner, Eccarius, Hins qui venait de se convertir à l’idée de la propriété collective, et Bakounine surtout qui montra avec une grande force que « la production n’étant possible que par la combinaison du travail des générations passées et de la génération présente, il n’y a jamais eu de travail qui puisse s’appeler travail individuel » (Cf. James Guillaume, loc. cit., p. 197. La première résolution fut adoptée par 54 voix, contre 4, 13 abstentions et 4 absences. La seconde par 53 voix contre 8, 10 abstentions et 4 absences. Pour la France Varlin, Franquin, Dereure, Tartaret, Bakounine, Bourseau, Outhier, Albert Richard, Palix, Ch. Monier et Foureau avaient voté pour les deux résolutions ; Tolain, Pindy, Chemalé, Fruneau avaient voté contre ; les autres s’étaient abstenus. Murat, Langlois et Piéton, cependant, après s’être abstenus sur la première résolution, avaient voté avec Tolain et ses fidèles contre la seconde.

On discuta ensuite de l’héritage. La commission, inspirée par Bakounine qui en faisait partie, demanda au Congrès de reconnaître « que le droit d’héritage doit être complètement et radicalement aboli, et que cette abolition est une des conditions indispensables de l’affranchissement du travail ». Le Conseil général, par l’organe d’Eccarius, et sous l’inspiration de Marx, déclarait au contraire que le droit d’héritage n’était qu’un effet de l’organisation économique actuelle, et que l’abolition du droit d’héritage ne pouvait être le point de départ d’une transformation sociale radicale. C’est un raisonnement d’immobilisme qu’on a souvent entendu depuis.

Quoi qu’il en soit, aucune des deux théories n’obtint la majorité absolue ; à considérer même le nombre des non (37 sur 62 votants), la thèse du Conseil général était repoussée.

Nous signalerons enfin une dernière résolution, celle concernant les sociétés de résistance. Elle provoqua une vive discussion — discussion toute d’actualité encore aujourd’hui — entre Tolain et Greulich, d’une part, et Hins de l’autre : les uns, montrant qu’à côté des relations corporatives, l’ouvrier a avec les citoyens des autres communes des relations qui ne sont plus purement corporatives, et concluant que les associations ouvrières fédérées