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septembre, que dès le retour des délégués, de nombreusee sociétés adhéreraient.

Mais il ne suffisait point de faire adhérer les sociétés à l’Internationale ; il fallait rendre possible une action commune, établir, pour ainsi dire, une solidarité plus régulière que celle qui se manifestait, d’une manière intermittente, par les souscriptions. Déjà les typographes avaient pris l’initiative d’un groupement régulier de professions diverses. Ils avaient créé la Caisse fédérative des cinq centimes, ou, comme on l’appelait, la Caisse du sou, dont les adhérents s’engageaient à verser cinq centimes par semaine et qui avait pour but le prêt mutuel en cas de grève.

Les hommes de l’Internationale souhaitaient une organisation plus forte. Dès le mois de mars 1869, la société des ouvriers bronziers qu’ils inspiraient avaient soumis à la Commission ouvrière, qui siégeait encore, un projet de statuts d’une Chambre fédérale des sociétés ouvrières de Paris. L’année devait s’écouler sans que la Chambre fédérale fût définitivement constituée ; mais dès le mois de mai, les réunions des délégués commencèrent d’assurer à Paris une action commune des sociétés. En mai, lorsque, sur un appel de Varlin, les délégués de sections ou de groupes corporatifs se réunirent aux Folies-Belleville pour décider l’envoi de représentants au Congrès de Bàle, ils adoptèrent en outre le projet de fédération syndicale. « Ce pacte, disaient les statuts, a pour objet la mise en œuvre des moyens reconnus justes par les travailleurs de toutes professions pour les rendre possesseurs de tous les outillages et les créditer, afin qu’ils puissent se soustraire à l’arbitraire du patronat et à l’exigence du capital… La fédération a également pour but d’assurer à chacune des sociétés adhérentes, dans le cas de grève, l’appui moral et matériel des autres groupes au moyen de prêts faits sous la responsabilité des sociétés emprunteuses. » (Troisième procès, p. 30-31).

Les militants de toutes tendances, proudhoniens ou collectivistes, Tolain, Murat ou Varlin se retrouvaient pour collaborer à cette œuvre d’organisation, purement corporative, mais qui devait compléter peu à peu les forces de l’Internationale.

Le 20 juin, une nouvelle réunion eut lieu : on y discuta déjà des affaires courantes, de la grève des bronziers lyonnais, par exemple. Mais les autorités commençaient de s’inquiéter : l’union régulière des sociétés corporatives leur semblait trop propre à dissimuler l’action socialiste et révolutionnaire. Les réunions furent interdites par la préfecture. Des demandes d’explication au préfet, au ministre, restèrent sans réponse : les ouvriers s’adressèrent à l’opinion publique (Troisième procès, p. 22). Le 12 septembre, le Siècle publia la protestation ouvrière : « Être ou n’être pas, disaient-ils, en droit comme en fait, telle est la question à résoudre ; nous ne pouvons subir plus longtemps cette situation de dupes qui nous impose, à nous, travailleurs, tous les devoirs et qui réserve à quelques-uns tous les droits. Aussi, convaincus que nul ne peut limiter le cercle de nos études et de notre action,