de l’état des esprits à Paris qu’en disant que la moitié de la classe ouvrière demande la liberté, tandis que le quart demande plus ou moins radicalement l’égalité : l’autre quart, exténué, contenu ou débauché, est indifférent et sera de l’avis du plus fort. »
Les élections approchent cependant : l’activité républicaine à Paris est intense ; le gouvernement renonce même à poser dans la capitale des candidatures officielles. Le succès de l’opposition est assez certain pour que les différentes tendances puissent opposer leurs candidats. Vermorel lance contre les libéraux sortants ses rudes et fougueux pamphlets : Les hommes de 1848, Les hommes de 1851 ; d’autres socialistes réclament avec lui que des députés ouvriers, capables de traiter les questions ouvrières, remplacent à la gauche des réactionnaires incapables. Mais ce n’est point leur bataille qui passionne. Ce qui tourmente le peuple électoral, c’est de savoir qui l’emportera des ralliés avoués ou des républicains timides et des « irréconciliables ». Ce que la foule attendra le soir du 24 mai, c’est l’issue de la lutte entre Gambetta, le héros du procès Baudin, et Carnot ; entre Jules Ferry et Guéroult ; entre Bancel et Ollivier ; entre Rochefort et Jules Favre.
Dans cette vaste mêlée politique, où quelques-uns des représentants les plus illustres de la bourgeoisie démocratique, tel Gambetta, soulevés par le flot populaire, aperçoivent clairement l’avenir et définissent nettement les devoirs d’un gouvernement républicain, on dirait que les militants de l’Internationale, d’ordinaire si pratiques et si clairvoyants, se sentent désemparés. Malon s’attardait à l’idée anachronique de l’abstention : il proposait à Richard de rédiger simplement un manifeste abstentionniste signé des sections de Paris, de Lyon, de Marseille et de Rouen (17 avril 69). Varlin, lui, songeait depuis longtemps à reprendre l’idée des candidatures ouvrières. Dès le 8 janvier, en effet, il écrivait à Aubry : « Quant à la candidature ouvrière, je vois avec plaisir que vous êtes résolus à la poser. Lyon s’est déjà prononcé dans ce sens. Marseille nous a adressé une demande de renseignements. J’espère que nous allons bientôt nous entendre à ce sujet, et que, malgré les abstentionnistes, Proudhoniens enragés, nous entrerons dans la lice électorale concurremment avec les républicains bourgeois de toutes nuances, afin de bien affirmer la scission du peuple avec la bourgeoisie ».
Contre Malon, qui tentait d’entraîner à l’abstention déclarée les diverses sections, ce fut à cette idée qu’on se rallia. Mais les militants socialistes, qui posèrent des candidatures dans certains milieux, ne retrouvèrent point dans leur campagne les sympathies et les forces qu’ils rencontraient par exemple lors des grèves dans les foules ouvrières. Les électeurs acceptaient bien les critiques socialistes contre les députés sortants trop modères, contre Jules Favre, contre Carnot, contre Garnier-Pagès, mais, en cherchant à faire échouer ces hommes, ils avaient surtout pour but d’affirmer leur opposition irréductible à l’Empire, et c’étaient des ennemis notoires de l’Empire ou même de l’Empereur qu’ils se proposaient d’élire, des Gambetta ou des