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manifestation qui pouvait dégénérer en émeute, les députés de Paris avaient brillé par leur absence.

Ce furent alors les Internationaux qui sommèrent ces députés de donner leur démission afin de pouvoir fournir au peuple parisien, par de nouvelles élections, un moyen de protester contre l’expédition de Rome.

Jules Favre, répondant à une délégation qui venait le trouver dans ce luit, argua de l’opposition de ses collègues pour refuser. « Pressé également, raconte Fribourg (p. 117), de faire connaître si le prolétariat pourrait espérer être guidé dans la lutte par la bourgeoisie libérale, le jour où il se lèverait en armes pour la République, M. Jules Favre, malgré la décision du Congrès de Genève, répondit : « C’est vous, Messieurs les ouvriers, qui seuls avez fait l’Empire, à vous de le renverser seuls ».

Que la parole soit exacte ou non, elle exprime bien l’opposition qu’allait rencontrer dé la part de la gauche parlementaire le prolétariat socialiste, dans sa lutte pour la République et la Révolution sociale. Mais cette opposition n’était pas de force à l’arrêter. Dès cette fin de 1867, les militants ne doutaient point de l’issue de la bataille. A quinze ans de distance, Héligon se figurait encore que si les chefs de la démocratie parisienne n’avaient pas refusé de prendre part à la manifestation du 4 novembre 67, la lutte révolutionnaire eût immédiatement commencé. « Au jour indiqué, racontait-il, plus de 20.000 citoyens étaient réunis près de la Porte Saint-Denis ». Ils ne l’étaient que dans l’imagination du vieux militant qui racontait cela aux Trinosophes de Bercy en 1880. La masse des prolétaires parisiens n’avait pas encore acquis l’audace de bataille qu’elle aura dans les premiers mois de 1870. Mais s’il semblait à Héligon, que la lutte aurait pu être engagée en 1867 et que les forces d’insurrection étaient nombreuses, c’est que par le Congrès de Lausanne et par celui de Genève, par l’alliance des ouvriers socialistes et de la jeunesse révolutionnaire, le socialisme révolutionnaire venait de renaître, éveillant chez tous de nouvelles espérances. C’était là le fruit de toute la longue évolution que nous venons de raconter.

Sur l’heure, le premier résultat, ce fut de provoquer les rigueurs du gouvernement impérial ; et ce fut l’anéantissement momentané de l’organisation ouvrière qui venait ainsi d’affirmer sa sympathie pour la révolution.

Le 30 décembre 1867, des poursuites furent engagées contre tous les membres du bureau de Paris. Quinze citoyens, parmi lesquels Tolain, Chemalé, Héligon, Camélinat, Murat, Perrachon se trouvèrent ainsi inculpés d’avoir fait partie d’une association non autorisée de plus de 20 personnes. C’était, traditionnellement, en vertu de l’article 291 du Code pénal et de la loi du 10 avril 1834 qu’ils se trouvaient poursuivis. On sait que ce sont ces textes qui ont servi pendant la moitié du XIXe siècle à briser une à une toutes les organisations ouvrières.

L’accusation était mal fondée, il y avait déjà quelque trois ans que l’association internationale fonctionnait publiquement à Paris. L’avocat impérial