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à la loi de 1864 semblait s’apaiser. Et, d’autre part, l’unanimité de tous les écrivains ouvriers à réclamer le droit d’association impressionnait le gouvernement. Vers la fin de 1866, il pensa qu’il était utile de faire dans ce sens aussi des progrès nouveaux ; et il se flatta sans doute de rallier encore quelques sympathies.

Il ne s’y prit point sans habileté. De jour en jour, le césarisme perfectionnait ses méthodes.

De l’Exposition de 1862 et des délégations de Londres était sortie la loi des coalitions. L’Exposition de 1867 allait s’ouvrir. Une fois encore, rappelant par des bienfaits nouveaux les bienfaits anciens, le gouvernement allait encourager les études des ouvriers, leur demander de formuler leurs revendications, et, prudemment, mais sans trop tarder,il leur donnerait quelques satisfactions. L’habileté serait de ne pas porter ombrage aux sentiments d’indépendance de cette classe, de ne point réveiller ses susceptibilités.

Le 29 novembre 1866, une commission d’encouragement aux études des ouvriers fut établie. M. Devinck, l’industriel, le candidat officiel de 1863 en fut président : de nombreux patrons et de hauts personnages en firent partie. L’Empereur donna à la Commission 15.000 francs ; une souscription lui rapporta 140.000 francs. Entre le protecteur et les protégés, il y avait un écran, assez transparent cependant pour que les premiers pussent discerner la silhouette du second et lui devenir reconnaissant ! Le préfet de police reçut l’ordre de ne pas s’inquiéter. La commission fixa le nombre de délégués par professions, organisa les élections, et pour stimuler le zèle des électeurs, offrit à chaque votant un billet d’entrée ! 112 professions nommèrent 316 délégués. 8 refusèrent le patronage officiel, et nommèrent à leur frais 20 délégués.

L’essentiel était maintenant d’amener les ouvriers à formuler leurs revendications. Les délégués, sans doute, allaient faire des rapports comme en 1862 ; mais il était intéressant pour la politique gouvernementale que les rapports donnassent une impression d’ensemble, dont elle pourrait tirer des indications précises. Ainsi, ses réformes, bien adaptées aux désirs ouvriers, ne manqueraient point de trouver dans le monde du travail l’approbation désirée.

Le plan fut réalisé avec une habileté singulière : par une circulaire de juillet 1807, circulaire signée d’ouvriers, les présidents des bureaux électoraux et tous les délégués des diverses professions, même ceux qui avaient refusé le patronage de la commission d’encouragement, furent convoqués à des réunions destinées à favoriser la rédaction des cahiers. Ces réunions, tolérées et encouragées, eurent lieu dans un local scolaire, mis à la disposition de la commission par le maire du XIe arrondissement et situé passage Raoul. De septembre 1867 a août 1869, de nombreuses séances y furent tenues. On eut là comme un Parlement du Travail, où parurent, certains jours, des notabilités, comme Jules Simon ! On y discuta de tout, du