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entreprise, Maximilien s’était embarqué le 14 mai 1865. Il avait fallu les instances de sa femme, des monarchistes mexicains, des agents du Saint-Siège, des courtisans autrichiens pour le décider à partir ; et il était monté à bord du Novare, plein de mélancolie et de colère contre tous ceux qui escomptaient, dans leur intérêt personnel, ou son départ ou son règne.

A peine arrivé, à peine acclamé, il s’était senti impuissant. Impuissant à donner satisfaction à la papauté, qui réclamait la restitution des biens d’Église, car les libéraux modérés avec lesquels il était contraint de gouverner ne l’auraient point souffert. Impuissant, d’autre part, à satisfaire pleinement ces mêmes libéraux, qui attendaient contre l’Église des décisions immédiates, décisions que l’Empereur, solennellement béni par Pie IX, ne pouvait prendre. Monarchistes et libéraux se tournaient également contre lui ; cependant que le maréchal Bazaine, commandant en chef des troupes françaises, multipliait les intrigues et tentait de le faire déposer.

En cette fin d’avril 1865, à l’heure même où la France protestait contre la convention de Gastein, à l’heure où les événements allemands réclamaient déjà toute son attention, elle se trouvait au Mexique en présence de ce dilemne : ou reprendre l’affaire à son compte, faire de nouveaux emprunts, expédier de nouvelles troupes ; ou abandonner Maximilien, avant que sa ruine définitive entachât l’honneur français. Quelques semaines, on avait pu croire que la France accepterait la première alternative : Fould faisait appel à l’épargne française ; les actions des mines mexicaines faisaient fureur à la Bourse. Rouher parlait toujours avec enthousiasme de cette entreprise hardie, conçue par le génie de l’Empereur et qui devait être pour la France tout à la fois « une grande affaire lucrative et une page glorieuse ».

Mais, si les complications européennes ou les charges financières ne constituaient pas pour l’Empire un avis suffisant d’en finir au Mexique, une autre puissance allait se charger de l’avertir. La capitulation du général Lee, le 9 avril 1865, avait mis fin à la guerre de sécession : les États-Unis avaient les mains libres, et ils n’avaient point oublié la doctrine de Monroë. Dès la fin de 1865, ils soutenaient Juarez au Texas, refusaient de traiter Maximilien en souverain, et au fur à mesure qu’ils reconstituaient leurs forces, envoyaient à Paris des notes plus menaçantes.

L’heure des embarras avait sonné, l’heure où l’on allait se demander si la politique napoléonienne, loin d’apporter à la France la gloire qu’elle prétendait lui donner, ne compromettait pas au contraire jusqu’à ses intérêts vitaux.

Ce fut la question que posa alors avec netteté l’opposition parlementaire. Nous ne pouvons, nous socialistes, être tendres à la plupart des hommes qui la composaient : si l’Empire leur avait fait plus de concessions immédiates, s’il s’était abandonné à leurs conseils, ils se seraient trouvés avec lui contre les revendications prolétariennes. On l’a vu en 69 et surtout en 71. Mais ce sera