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veut la bourgeoisie démocratique, que nous ne voulions comme elle avec la même ardeur ? Le suffrage universel, dégagé de toute entrave ? Nous le voulons. La liberté de la presse, de réunion, régie par le droit commun ? Nous les voulons ? La séparation complète de l’Église et de l’État, l’équilibre du budget, les franchises municipales ? Nous voulons tout cela.

Eh bien ! sans notre concours, la bourgeoisie obtiendra ou conservera difficilement ces droits, ces libertés, qui sont l’essence d’une société démocratique.

Que voulons-nous plus spécialement qu’elle ou du moins plus énergiquement parce que nous y sommes plus directement intéressés ? L’instruction primaire gratuite et obligatoire et la liberté du travail.

L’instruction développe et fortifie le sentiment de la dignité de l’homme, c’est-à-dire la conscience de ses droits et de ses devoirs. Celui qui est éclairé fait appel à la raison et non à la force pour réaliser ses devoirs.

Si la liberté du travail ne vient servir de contre-poids à la liberté commerciale, nous allons voir se constituer une aristocratie financière. Les petits bourgeois, comme les ouvriers, ne seront bientôt plus que ses serviteurs. Aujourd’hui, n’est-il pas évident que le crédit, loin de se généraliser, tend, au contraire, à se concentrer dans quelques mains ? Et la Banque de France ne donne-t-elle pas un exemple de contradiction flagrante de tout principe économique. ? Elle jouit tout à la fois du monopole d’émettre du papier-monnaie et de la liberté d’élever sans limite le taux de l’intérêt !

Sans nous, nous le répétons, la bourgeoisie ne peut rien asseoir de solide ; sans son concours, notre émancipation peut être retardée longtemps encore.

Unissons-nous donc pour un but commun : le triomphe de la vraie démocratie.

Propagées par nous, appuyées par elle, les candidatures ouvrières seraient la preuve vivante de l’union, sérieuse, durable, des démocrates, sans distinction de classes ni de position. Serons-nous abandonnés ? Serons-nous forcés de poursuivre isolément le triomphe de nos idées ? Espérons que non, dans l’intérêt de tous.

Résumons-nous pour éviter tout malentendu :

La signification essentiellement politique des candidatures ouvrières serait celle-ci :

Fortifier, en la complétant, l’action de l’opposition libérale (souligné dans le texte). Elle a demandé dans les termes les plus modestes le nécessaire (souligné dans le texte) des libertés ; les ouvriers députés demanderaient le nécessaire des réformes économiques.

Tel est le résumé sincère des idées générales émises par les ouvriers dans la période électorale qui précéda le 31 mai. Alors la candidature ouvrière eut de nombreuses difficultés à vaincre pour se produire. Aussi put-on l’accuser, non sans quelque raison, d’être tardive. Aujourd’hui, le terrain est libre ; et comme, à notre avis, la nécessité des candidatures ouvrières est encore plus démontrée par ce qui s’est passé depuis cette époque, nous