ils apportent déjà parfois de savoureuses indications. On y voit, en particulier, que lors des premières tentatives de libre-échange, en 1855, en 1856, au moment où le gouvernement lançait quelques ballons d’essai, immédiatement ses fonctionnaires lui signalent le danger : les patrons et les ouvriers vont s’entendre ! Ils vont être d’accord contre le pouvoir ! Et ce sera le bouleversement de toute la politique impériale, de tout le système du Coup d’État, qui consiste précisément à faire que toutes les classes, isolées et désemparées, s’habituent à ne plus rien attendre que du pouvoir. (Cf. en particulier les rapports du procureur de Douai, en 1856). Lorsqu’on 1860, l’Empereur accomplit son coup d’État commercial, et lorsque l’opposition protectionniste naquit, il est probable que ce fut de ce côté que le gouvernement dut porter toute son attention. Il s’agissait pour lui de trouver un appui dans la classe ouvrière contre les protectionnistes.
Point par point, mois par mois, il faut suivre maintenant les événements qui vont s’accomplir : ils sont capitaux dans l’histoire de la classe ouvrière. C’est, comme je l’ai dit, aux hommes du Palais-Royal qu’il faut attribuer la première campagne de l’impérialisme ouvrier. Jusque vers 1860, Armand Lévy, l’homme du prince Napoléon, l’ancien orateur de club de 1848, n’avait pu tenter cette œuvre que par un journal publié en Suisse, l’Espérance. L’Opinion nationale, fondée en 1859 par le saint-simonien Guéroult, journal du Palais-Royal, journal de la cause italienne devait reprendre l’œuvre au grand jour. L’Opinion nationale prit Armand Lévy parmi ses collaborateurs, et ce fut pour une grande part à l’entremise de celui-ci que furent dues les premières brochures ouvrières.
Il montra sans doute aux ouvriers parisiens qui consentaient à l’écouter, l’alliance intime, fatale, du peuple et de l’Empire ; il leur rappela et peut-être leur fit lire l’Extinction du paupérisme ; il entretint leur enthousiasme nationaliste et interventionniste ; et il leur persuada que l’Empereur n’attendait que d’être informé de leurs besoins pour les satisfaire.
Au début de 1861, le duc d’Aumale ayant, dans une virulente brochure, attaqué le prince Napoléon, les ouvriers, amis du Palais-Royal, eurent là une première et excellente occasion de parler et d’écrire. Sur commande, sans doute, cinq d’entre eux, Viguier, typographe ; Chabaud, ferblantier ; Berthélemy, typographe ; Coquard, relieur ; L. Leroy, typographe, écrivirent en réponse au duc d’Aumale chacun un article, et le tout, couronné d’un appel, forma la brochure : Le Peuple, l’Empereur et les anciens partis.
Elle manifeste le nationalisme aigu de ces ouvriers. L’Italie ! La Pologne ! La Roumanie ! Napoléon, au moins, lui, est toujours prêt a intervenir, toujours prêt a soutenir au dedans comme au dehors les intérêts nationaux et populaires. Il n’est point comme ces Bourbons qui laissaient déshonorer la France, dans l’affaire Pritchard ! L’Empereur n’est pas un prince bourgeois, il est un prince populaire. Il a accepté le suffrage universel : avec lui, nous sommes tous du pays légal, « tous un peu Empereur ». Il n’a pas