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LE SECOND EMPIRE
(1852-1870)
Par Albert THOMAS


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CHAPITRE PREMIER


DE L’ÉLYSÉE AUX TUILERIES


Dans le vif et fin récit que Georges Renard nous a donné, notre savant camarade a raconté comment s’était fait le coup d’État ; il en a fixé les péripéties ; il a bien marqué comment ce coup de force était l’aboutissant logique de la longue lutte engagée dès le milieu de 1850 pour savoir qui, des monarchistes ou des napoléoniens, de la majorité ou du président, s’emparerait de la France.

Les faits sont désormais assez connus. Il nous suffira de noter ce qui, dans ces journées funestes, annonce le nouveau régime, annonce ce second Empire, dont nous avons à décrire la singulière évolution.

Quand le coup fut fait, on s’en souvient, il y avait plus de dix mois que le président et ses complices travaillaient à leur projet : tout avait été merveilleusement préparé.

Depuis la crise ministérielle d’octobre, les amis, les complices de Louis Napoléon occupaient déjà le ministère : Saint-Arnaud était à la guerre ; M. de Maupas, préfet de la Haute-Garonne avait remplacé Carlier à la préfecture de police (on sait comment celui-là entendait les garanties à donner aux accusés). L’armée avait été suffisamment travaillée ; le général Magnan, depuis le 15 juillet commandant en chef de l’armée de Paris, avait gagné à la cause du prince les officiers généraux placés sous ses ordres ; les banquets de l’Élysée avaient fait le reste : le 15 septembre, un état fourni par le ministère de la guerre, avait donné des renseignements complets sur l’esprit des officiers et celui des troupes. Armée, police, fonctionnaires, le président disposait de toutes les forces qui, dans une nation centralisée, assurent le succès à un Coup d’État. Enfin, le moment favorable était venu : la proposition, faite par le président dans son message, d’abroger la loi du 31 mai 1850, avait pu faire oublier que c’était son gouvernement, que