acheva de constituer le prolétariat, elle fit plus vive sa misère, plus nécessaire l’entraide, et elle lui rendit voix et force.
C’est la révolution industrielle, préparée depuis longtemps, mais qui fut particulièrement intense de 1850 à 1860, qui permit un nouvel essor aux idées socialistes. Les établissements de crédit, le développement des chemins de fer, les encouragements de toutes sortes donnés au commerce et à l’industrie, en un mot, la politique industrielle du nouveau gouvernement, contribuèrent à cette révolution. Mais il ne faut point l’oublier : le phénomène était général. En Angleterre, en Allemagne, aux États-Unis, les années 50 furent une ère de prospérité ; les Coups d’État n’ont point le pouvoir de faire naître brusquement du sol les manufactures ou les chemins de fer ; et les formes du gouvernement n’influent pas autant qu’on le veut bien dire sur l’économie générale. Mais il est de fait, qu’en ces années, l’esprit d’entreprise se déploya magnifiquement et que les transformations des méthodes et des exploitations se multiplièrent alors avec une intensité inouïe.
Il nous faut décrire, rapidement, d’ensemble cet essor de l’industrie française, de 1852 à 1870. Il fut marqué essentiellement par l’extension rapide du champ d’action de l’industrie, et par l’utilisation de plus en plus grande des découvertes scientifiques. La facilité nouvelle des communications avait permis d’atteindre de nouveaux marchés ; la clientèle de chaque industrie avait pu devenir une clientèle nationale et parfois même déjà internationale. La politique libre-échangiste, qui aboutit au traité de commerce de 1860, loin de justifier, au moins par ses résultats généraux, les craintes des industriels, leur avait permis d’atteindre les marchés étrangers ; mais elle les avait heureusement contraints de transformer leur outillage et d’augmenter la productivité de leurs usines. Les inventions nouvelles avaient aidé à cette transformation : en 1847, 2.000 brevets d’invention avaient été pris ; en 1867, il y en avait plus que le double. L’emploi de la vapeur comme force motrice s’était généralisé ; la force utilisée par l’industrie en 1869 était de plus de 320.000 chevaux : en vingt ans elle avait plus que quintuplé.
C’est l’industrie métallurgique qui certainement accomplit les progrès les plus remarquables. La substitution du combustible minéral au combustible végétal amenait une diminution notable du prix des fontes et des fers : le quintal de fonte au bois revenait à 13 fr. 14 ; au coke, il ne coûtait plus que 8 fr. 08. En vingt ans. le fer diminuait de plus de 30 0/0. Alors son emploi se généralisait : les constructions de machines et de navires, la fabrication des rails de chemins de fer, la substitution progressive du fer au bois dans le bâtiment offraient chaque jour des débouchés nouveaux, qui suscitaient encore de nouvelles transformations. D’autre part, la substitution de l’acier puddlé à l’acier de forge, puis après 1860, la diffusion du procédé de Bessemer avaient réduit de moitié le coût de la fabrication de l’acier ; en quelques années, la production de ce métal avait décuplé. Dès l’Exposition de 1855, on l’employait pour les bandages, pour les cylindres de laminoirs,