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festait de nouveau. C’est ainsi que peu après, le Parlement et l’opinion reprenaient une part de discussion et d’examen. Après huit ans de compression les esprits avaient besoin de se secouer, de s’épanouir. Et foule une masse, désormais, suivait avec passion les efforts des libéraux.

Au premier rang se distinguaient les Cinq. À toute occasion, ils étaient sur la brèche.

Sans doute ils ne pouvaient pas plus qu’avant 1860, revendiquer la République, ni remettre en question les principes fondamentaux de l’Empire. Mais ils pouvaient dénoncer les abus de pouvoir, les actes d’arbitraires, les fautes du gouvernement. Ils pouvaient revendiquer les libertés parlementaires qui leur semblaient indispensables ; et ils trouvaient désormais, de-ci de-là, dans l’enceinte parlementaire, de sérieuses approbations. Ils savaient, en tout cas, que le pays les entendait ; et ils lui rappelaient les principes.

Ils profitaient de l’adresse pour introduire périodiquement, des amendements de réformes, pour réclamer un régime de liberté. « Pour que le droit de contrôle, restitué aux représentants du pays dans les limites restreintes du dernier décret puisse porter ses fruits, disait leur amendement de 1861, il est nécessaire d’abroger la loi de sûreté générale et toutes les autres lois d’exception ; de dégager la presse du régime de l’arbitraire ; de rendre la vie au pouvoir municipal et au suffrage universel sa force, par la sincérité des opérations et le respect de la loi ». En 1862, encore, dans l’intérêt moral du pays, « pour sa dignité, pour le développement de son activité et de sa richesse », ils avaient réclamé « un retour sincère au régime de la liberté » ; ils avaient réclamé la fin d’une « censure occulte qui altère les manifestations de l’opinion publique », ils avaient demandé des « élections faites par les électeurs et non par les préfets ». Et en 1863, encore, ils notaient qu’en dépit du décret du 24 novembre, en dépit de la répétition du mot de liberté, dans tous les discours officiels, les pratiques du gouvernement n’avaient pas changé, et qu’il continuait « à interdire toute initiative intellectuelle, toute discussion libre, toute vie municipale indépendante ». — « Qu’on ne nous nous empêche pas, s’écriaient-ils, de jouir de la liberté ; qu’on cesse de nous en vanter les bienfaits, et de nous imposer l’humiliation de nous entendre déclarer seuls indignes de posséder un bien, que, depuis notre grande Révolution, nous avons si souvent assuré aux autres ».

Pour soutenir ces amendements, tour à tour, Jules Favre, Ernest Picard, Émile Ollivier prenaient la parole. Hénon parlait rarement, et Darimon mal à propos. Mais les trois protagonistes savaient retenir l’attention.

Jules Favre, le défenseur modéré des révolutionnaires de 1834, le Lyonnais, spiritualiste et croyant, l’orateur impeccable, scrupuleux de la forme, émouvant, un peu solennel, montrait avec éclat, comment étaient liés indissolublement la liberté intérieure et les interventions pour les peuples