associations cléricales que contre les républicains ; et l’Église ne pouvait le souffrir. Par ses associations religieuses, charitables ou propagandistes, elle avait créé une force formidable. Elle entendait bien se servir de cette force contre les gouvernements qui menaçaient la religion. Elle avait recruté une armée et elle entendait pouvoir la mener à la bataille. A la voix des évêques, les membres des associations religieuses prenaient les allures provocatrices des ligueurs du XVIe siècle, et entre tous, ceux de la société de Saint-Vincent-de-Paul, fondée par Ozanam en 1833, dotée d’un budget énorme, et qui étendait sur toute la France le réseau de 1.500 conférences, où les pauvres secourus apprenaient à servir les desseins dominateurs des riches secourables. « Vaillants soldats de Saint-Vincent-de-Paul, serrez vos bataillons, s’écriait le 22 septembre 1861, l’évêque d’Angoulême à la réunion générale de l’œuvre à Lusignan. Nous ne devons pas craindre Judas, nous devons craindre Jésus-Christ ». Or M. de Persigny savait qui était Judas, et il l’avait bien montré par la circulaire du 10 octobre 1861, où tout en reconnaissant l’intérêt que méritaient les sociétés charitables, catholiques ou maçonniques, il s’élevait contre « ces conseils ou comités provinciaux qui, sous l’apparence d’encourager les efforts particuliers des diverses conférences, s’emparent chaque jour davantage de leur direction, les dépouillent du droit de choisir elles-mêmes leurs présidents et leurs dignitaires, et s’imposent ainsi à toutes les sociétés d’une province comme pour les faire servir d’instruments à une pensée étrangère à la bienfaisance ». C’était la reprise de la politique odieuse et hypocrite, du perpétuel procès de tendance, que l’Empire avait fait par exemple aux associations ouvrières. Mais l’Église ne souffrait point qu’on en usât ainsi avec elle.
Le ministre avait mis la Société de Saint-Vincent-de-Paul en demeure d’accepter un président général nommé par l’Empereur. Elle avait refusé, et son comité central avait dû disparaître.
M. de Persigny fut traité alors comme il le méritait. Dans la discussion de l’adresse, l’humiliation du pape et celle des congrégations provoquaient tour à tour la colère des orateurs catholiques. Au Sénat, M. Ségur d’Aguesseau traita Persigny de Polignac. A la Chambre. MM. Plichon, Kœnigwarter, Lemercier, Keller reprirent leurs thèses de l’année précédente. Et la mise en scène, une fois encore, fut complète. Le prince Napoléon fit son discours libéral. Et M. de la Guéronnière, au Sénat, M. Billault au Corps législatif apportèrent les paroles de conciliation, exprimèrent la parole souveraine : M. Billault invoquant audacieusement les principes de la souveraineté nationale et du suffrage universel, « que nous ne pouvions méconnaître chez les autres, alors qu’ils nous régissent en France », M. de la Guéronnière disant une fois de plus les vœux intimes de son maître, venant s’interposer « entre les deux intolérances, entre ces passions extrêmes au sein desquelles s’agite ce grand intérêt contenu seulement dans sa vérité, dans sa mesure exacte, par la politique si sage, si modérée de l’Empereur ».