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d’Orsini qui avait fait reculer la France ». Malgré les adjurations adressées par M. de Morny au loyalisme des députés, il se trouva quatre-vingt-onze membres pour refuser de sanctionner le blâme infligé au Pape dans l’adresse, pour déclarer que le gouvernement français était responsable de l’atteinte portée à son pouvoir.

Il importe de suivre ainsi, dans le détail, toutes les manifestations catholiques, toutes les hésitations des conseils impériaux. Il importe que l’on sache par quelle action continue les cléricaux avaient pris une influence dominante dans notre politique ; et avec quelle âpreté ils la défendaient. Si les républicains et les socialistes ont encore tant à lutter contre les ingérences catholiques dans notre gouvernement, ils sauront désormais de quand date le mal et combien il fut profond.

En ce printemps de 1861, Napoléon III pouvait voir à quelle situation l’avait conduit la complicité qu’il avait acceptée du clergé, dans le Coup d’État. Il éprouvait chaque jour davantage les exigences de ses alliés. Incapable de leur résister, soucieux de l’intérêt dynastique, il allait ruser encore, continuer contre tous les partis une politique de secrets, dont il s’enorgueillirait, si elle réussissait, et dont il ferait retomber sur les partis eux-mêmes toute la responsabilité, si elle échouait.

Au lendemain des vives discussions qu’avait provoquées l’adresse, il parut cependant quelque temps disposé à soutenir l’œuvre italienne. En avril, irrité de toute l’opposition cléricale, il songea à retirer ses troupes de Rome, « ce Coblentz légitimiste et catholique ». Les confidents italiens on italianisants, les amis et agents de Cavour, Vimercati, Mocquard, le général Fleury ne restaient pas inactifs. La mort de Cavour, le 6 juin 1861, hâta peut-être aussi le rétablissement des relations. En juillet, l’Empereur reconnaissait officiellement le royaume d’Italie. Pendant la fin de l’année, il soutenait Victor-Emmanuel dans sa répression du brigandage. Et, poursuivant cette politique, le 11 janvier 1862, M. de La Valette, notre ambassadeur à Rome était chargé de demander au Saint-Siège, s’il ne pourrait, sans renoncer formellement à ses droits « consentir à des transactions de fait qui amèneraient le calme dans le sein de l’Église catholique et associeraient la papauté au triomphe du patriotisme italien ». — « Aucune concession, répondit le secrétaire d’État pontifical, ne pourra être faite par Pie IX ni par aucun de ses successeurs, de siècle en siècle ».

Toute cette politique devait naturellement amener un redoublement de violence de la part de l’opposition cléricale. La discussion de l’adresse, seule occasion où pour ainsi dire le Parlement usait de l’apparence de liberté qui lui avait été rendue, donna lieu en 1862 à des débats plus véhéments encore que ceux de l’année précédente. Au mécontentement que provoquait la politique italienne s’ajoutait la colère provoquée par l’œuvre intérieure de M. de Persigny. Ce ministre, qui se rattachait aux traditions du bonapartisme démocratique et anti-clérical montrait autant de poigne contre les