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dizaine d’ouvriers. Ils avaient fabriqué des armes et des munitions ; ils furent condamnés et crièrent : « Vive la République ! ».

En Juillet 1853, l’opinion fut émue par le complot de l’Hippodrome et de l’Opéra-Comique. L’année précédente déjà, quelques vieux conspirateurs parisiens avaient formé des sociétés secrètes, le Cordon sanitaire, la Société des Consuls du Peuple ; de leur côté, des étudiants avaient formé la société des Deux Cents. Les trois groupes marchaient d’accord, pour une action immédiate, pour une insurrection, à commencer, inévitablement, par le meurtre du tyran. Un réfugié politique moldave, Jean Bratiano, avait fourni une presse. On y imprimait les bulletins insurrectionnels.

C’étaient des étudiants, une quarantaine, qui étaient l’âme de la conspiration : Ribault de Laugardière surtout et Ranc. Avec eux des ouvriers, comme Ruault, tailleur de pierres au Louvre. Par l’intermédiaire de Watteau, médecin militaire à Lille, des relations avaient été établies avec des sous-officiers de Lille, avec des réfugiés de Belgique ; et ils étaient en correspondance avec les proscrits de Londres.

L’exécution de l’Empereur avait été fixée au 7 juin 1853, lorsqu’il se rendrait de Saint-Cloud à l’Hippodrome. Mais l’attention de la police avait été éveillée. Ruault et son ami Lux furent arrêtés. Le coup fut remis au 6 juillet. La police, avertie sans doute encore une fois, arrêta trois conspirateurs aux abords de l’Opéra-Comique. Quelques jours plus tard, plusieurs des étudiants qui avaient pris part au complot furent arrêtés. Vingt-sept accusés comparurent devant la Cour d’assises, où ils furent défendus par Jules Favre et Martin de Strasbourg. Les uns furent condamnés ; les autres, acquittés, furent traduits devant le tribunal correctionnel, pour délit de société secrète, et condamnés de ce chef.

En octobre 1853, Delescluze fut arrêté ; le Dr Guépin, de Nantes, fut incarcéré ; les Mangin, rédacteurs du Phare de la Loire, furent perquisitionnés. Y avait-il, cette fois encore, complot, conspiration ? Des plans avaient-ils été arrêtés ? On peut facilement comprendre que la propagande républicaine constituait une conspiration permanente. Propagande clandestine, elle aboutissait fatalement a la constitution de sociétés secrètes ; et la société secrète étant déjà, à elle seule, un acte de révolte contre le régime, elle ne pouvait que tendre au renversement brusque du régime. Au coup de force de décembre ne pouvait répondre qu’un coup de force. Et les relations des proscrits et des républicains de France avaient forcément toujours cet objet. Au début de 1854, les combats indécis de la guerre de Crimée, l’arrêt des armées alliées, et les fléchissements de la Bourse faisaient croire aux proscrits de Londres, qu’un mouvement grandissant de mécontentement entraînait l’opinion. La Commune révolutionnaire pensa que l’heure était peut-être venue d’agir. Boichot vint se faire arrêter en France. Mais ce fut le prétexte de poursuites nouvelles, à Angers, à Tours, à Lyon, où tous ceux qui, parmi les ouvriers, sentaient le besoin de s’unir, de s’instruire ou rêvaient simplement