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PRÉFACE DE CHARLES ANDLER




Par courtoisie pour les camarades aînés qui lui ont cédé leur place dans la rédaction de l’Histoire Socialiste, et par modestie de savant, Albert Thomas nous a demandé, à Lucien Herr et à moi, de prendre sa défense devant le public. Il ne se doute pas qu’une justification nous serait plus nécessaire qu’à lui-même, puisque c’est nous qui avons manqué à notre parole. Le livre vigoureux qu’il vient de nous donner ne parle-t-il pas en sa faveur plus haut que nous ne pourrions faire ? Ses qualités de travailleur robuste et clairvoyant étaient connues des spécialistes de l’histoire autant que des militants du socialisme ; mais jamais elles n’ont apparu mieux en relief. Ce que nous n’aurions probablement jamais pu mener à bien, quand même nous n’aurions pas été paralysés par la lourdeur de notre besogne professionnelle, il l’a réalisé dans un temps très court, avec solidité, avec nouveauté. Ce nous est une joie véritable, au moment où nous devons présenter nos excuses au lecteur pour avoir déserté la besogne à laquelle nous nous étions engagés, d’avoir pu compter sur un collaborateur aussi consciencieux, aussi sûr de son métier d’historien, aussi heureux dans ses trouvailles documentaires que notre ami.

Mais sa besogne apparaît doublement méritoire quand on songe qu’elle était partiellement impossible. L’histoire se fait par condensations successives. Elle suppose de vastes dépouillements, résumés en monographies multiples. La plupart de ces monographies nous font encore défaut pour le Second Empire. L’histoire de la classe ouvrière n’est manifestement intelligible que par l’histoire économique et sociale tout entière. Cette histoire intégrale de la vie sociale sous le Second Empire manque encore des premiers travaux d’aménagement ; et, même pour l’histoire politique, il nous manque le travail de Charles Seignobos qui sans doute, un jour, renouvellera cette histoire.

Avant tout il nous faudrait, pour une période où l’industrie s’est renouvelée à fond dans ses méthodes, dans son outillage et dans sa discipline, une histoire détaillée des progrès technologiques. Albert Thomas a pu dépouiller d’assez près les rapports des Expositions universelles, pour se rendre compte que la prolétarisation des masses a suivi dans son ensemble la marche décrite pour l’Angleterre par Karl Marx. Mais les circonstances différentielles, la nouvelle métallurgie