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militaires, et qui indique bien la part prise par les masses laborieuses à la résistance au Coup d’État. Le registre contient par professions et par départements, le nombre d’individus « arrêtés ou poursuivis » par les commissions. Sur 20.884, on compte — le fait est notable, parce que rare — 1.570 rentiers, ou du moins personnes aisées classées comme telles ; on compte encore 5.423 cultivateurs et 1.850 journaliers, provenant naturellement des départements où les campagnes se soulevèrent ; on note enfin l’état-major républicain, celui des campagnes, 325 médecins, 168 officiers ministériels, 261 instituteurs, 900 aubergistes ; celui des villes : 225 avocats, 90 journalistes, 70 hommes de lettres, 54 professeurs, 110 étudiants. Mais il faut voir aussi comment les diverses corporations ouvrières, celles surtout où la solidarité corporative était comprise et cultivée, fournirent leur contingent de victimes. Il importe de citer ces quelques chiffres. Au total de 26.884 victimes des commissions, les bijoutiers fournirent 62 des leurs, les blanchisseurs 25, les bonnetiers 25, les bouchers 145, les bouchonniers 152 (dont 148 dans le Var) ; les boulangers 415, les bourreliers 156, les carriers 180, les chaudronniers 32, les coiffeurs 252, les commis de magasins 616, les confiseurs 30, les cordiers 36 ; les cordonniers, la vieille corporation révolutionnaire, celle dont les liens secrets, compagnonniques ou autres, s’étaient étendus par toute la France, avaient eu 1.107 membres arrêtés ou poursuivis ; les couteliers 90, les cuisiniers 70, les ébénistes 103, les ferblantiers 85, les fileurs 224, les fondeurs 43, les forgerons, les rudes marteleurs qui mènent souvent les oppositions villageoises 457, les fourniers 56, les gantiers 22, les graveurs 47, les horlogers 83, les imprimeurs sur étoffes 31, les typographes 155, les jardiniers 131, les maçons 733. les mariniers dans l’Yonne et dans la Nièvre 138, les menuisiers 888, les meuniers 102, les passementiers 56, les peigneurs de chanvre 26, les peintres en bâtiment 144, les porcelainiers 50, les potiers 81, les sabotiers 185, les scieurs de long 115, les serruriers 428, les ouvriers en soie 12, seulement, car Lyon révolutionnaire a été contenue et surtout la préoccupation politique y est souvent moins vive que la préoccupation sociale ; les tailleurs, la corporation qu’on retrouve avec les cordonniers dans tous les mouvements d’agitation sociale, au cours du siècle, a 688 de ses membres poursuivis ; les tailleurs de pierre 251, les tanneurs 238, les teinturiers 82, les tisserands 462, les tisseurs 114, les tonneliers 198. les tourneurs 153, les tuiliers 91, les vanniers 46, et les voituriers 191. Si le gouvernement voulait écraser méthodiquement les républicains, la statistique lui indiquait quelles corporations, quelles régions avaient été le plus contaminées. La confection du beau registre des Archives n’a peut-être point d’autre origine.

Comment contenir, comment surtout rallier à L’Empire cette classe ouvrière ? Comment extirper les derniers germes de la maladie ? Ce fut la préoccupation constante des procureurs impériaux, pendant toute la durée de l’Empire.