la perte supportée par les industries parisiennes. On a moins de peine à le croire quand il affirme que dans le douzième arrondissement (quartiers Saint-Jacques, du Jardin des Plantes, Saint-Marcel et Observatoire) le nombre des indigents inscrits forme le sixième du total de la population.
Lille compte un indigent inscrit pour quatre habitants. À Lyon, cent mille habitants, sur cent cinquante mille, sont dans le dénuement le plus complet et bientôt la faim va les chasser de leurs ateliers. « À Sedan, dit Pecqueur, il n’est pas rare de voir de malheureux ouvriers rassemblés autour des gens qui se chargent de l’abatage des chevaux malades, en attendant le moment où ces animaux sont dépouillés, pour s’en partager la chair. » Et il ajoute : « On sait quelles dévastations furent commises en général, 1830-1832, par des populations nombreuses, privées de feu au milieu de l’hiver. »
Dans l’Aisne, en 1831, des ouvriers sans travail parcourent les campagnes par bandes de mille à quinze cents « en demandant des secours et en menaçant de pillage », selon l’expression de la Gazette de France. Le préfet dut passer par-dessus les lois et les règlements, et enjoindre aux communes riches de joindre leurs ressources d’assistance à celles des communes moins pourvues. Ce fut un scandale dans le monde administratif.
Quelle pouvait être en temps normal l’alimentation d’ouvriers aussi misérablement rétribués ? Où et comment se logeaient-ils ? Dans quelles conditions d’hygiène ? Comment le surtravail, la nourriture insuffisante, le défaut presque absolu de tous soins du corps et de l’habitation retentissaient-ils sur l’organisme de ces millions de producteurs ? Enfin, quelles mœurs le nouveau milieu industriel leur avait-il faites ?
Les familles ouvrières sont nombreuses à Mulhouse. Six bouches en moyenne. On ne mange de viande, on ne boit de vin que le jour de la paie, c’est-à-dire deux fois par mois. La moyenne de la consommation quotidienne est de trente-trois à trente-quatre sous, et le pain y entre pour treize sous. Les célibataires sont plus heureux, cela va sans dire. « Auprès de Sainte-Marie (aux Mines), dit Villermé, les compagnons tisserands se mettent en pension pour 4 fr. 50 ou 5 francs par semaine, ils sont nourris avec la famille chez laquelle ils vivent et comme elle blanchis, couchés dans un lit ; en outre on leur fournit un métier sur lequel ils travaillent d’ordinaire pour leur compte. Le plus souvent, lorsque la pension est de 4 fr. 50, ils n’ont de la viande qu’une fois par semaine, et deux fois lorsque la pension est de 5 francs. »
Les plus pauvres ouvriers de Lille se nourrissent surtout de pommes de terre, de quelques légumes, de soupe maigre, de charcuterie. « Ils ne mangent ordinairement qu’un seul de ces aliments avec leur pain. L’eau est leur unique boisson pendant les repas. » Mais ils vont ensuite au cabaret boire de la bière ou du genièvre. Les ouvriers d’Amiens, plus mal nourris en général que ceux de Lyon, Rouen, Reims, et Sedan, ne boivent guère que de l’eau, ou de la petite bière coupée d’eau. Un peu partout et surtout à Reims, la femme étant une ouvrière et ses ins-