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de 2 fr. 75 et 3 francs à 3 fr. 25 pour s’élever en 1834 à 4 fr. 50 et 5 francs, salaire notablement supérieur à celui de Paris, qui n’atteint que 4 francs. À Paris même, les professions qualifiées, ouvriers du fer, de l’ameublement, du vêtement, de l’imprimerie, etc., reçoivent des salaires qui sont, pour les maréchaux-ferrants et les doreurs sur bois, de 2 fr. 50 par jour, et de 4 francs pour les apprêteurs de chapeaux de paille, les boulangers, les bijoutiers en or, les ciseleurs, les confiseurs, les fondeurs en cuivre, les fumistes, les gantiers, les fabricants de compas, les imprimeurs, les maçons, les paveurs, les tourneurs en chaises, les tailleurs de pierres, les teinturieurs en soie et les tapissiers. Le salaire s’élève entre 4 et 5 francs pour les doreurs sur métaux, les forgerons, les imprimeurs en étoffes, les marbriers, les plombiers, les tailleurs et les vernisseurs. Toutes ces professions subissent bon an mal an un chômage, qui varie selon les industries, de trois à sept mois. Même chômage pour les hommes de peine, qui sont payés de 2 fr. 10 à 2 fr. 50 par jour. Naturellement, le salaire des femmes observe vis-à-vis du salaire masculin la distance qui convient. Il s’élève à 2 fr. 50 pour les couseuses de chapeaux de paille, mais ces privilégiées ont six mois de chômage par an. Les teinturières atteignent le même chiffre, sans chômage. Le chômage est également nul pour les lingères, pour les boutiques et pour les chaussonnières ; mais les premières gagnent 90 centimes par jour, et les secondes soixante centimes.

Pour revenir aux industries textiles, qui ont été le plus touchées par la crise, et où se constatent les plus bas salaires, leur surgissement s’est produit à l’imitation et en concurrence de l’industrie anglaise, et c’est par cette cause que s’explique la condition misérable des ouvriers qu’elles occupent. D’autre part, sauf pour quelques spécialités techniques, ces industries se sont recrutées dans la masse du prolétariat agricole, qu’elles ont ajoutée ainsi au prolétariat industriel. Aujourd’hui encore, les salaires du tissage et de la filature sont de beaucoup les plus bas.

Les ouvriers en draperies et lainages sont pourtant, en 1830, dans de moins mauvaises conditions que les ouvriers du coton. À Darnetal, les hommes gagnent de 1 fr. 80 à 2 francs par jour ; à Elbeuf et Louviers, de 1 fr. 60 à 3 fr. 80. Mais dans ces trois localités les femmes ne reçoivent qu’un franc et 1 fr. 25, et les enfants 50 à 80 centimes. Le tisseur roubaisien gagne entre 2 et 3 francs ; mais celui qui travaille chez lui doit se contenter de 30 sous. À Reims, les tisserands gagnent 3 francs et les fileurs en gros de 2 fr. 50 à 3 francs. À Sedan, ceux-ci ont à peu près le même salaire, 2 francs à 2 fr. 80, mais le salaire des tisserands peut descendre de 3 fr. 50 à 1 fr. 50, ce qui avec le bobinage des trames fixe le salaire réel entre 3 fr. 05 et 1 fr. 15. Les tisserands en laine de Carcassonne reçoivent à peu près le salaire des cotonniers de l’Est et du Nord : de 80 centimes à 1 fr. 16 et même de 73 à 91 centimes. Les fileurs gagnent un peu moins de 1 fr. 50 et les fileuses un peu plus d’un franc par jour.

Ces chiffres disent assez que, pour tous les ouvriers, c’est la misère noire en période d’activité du travail, et la plus affreuse détresse, la famine meurtrière, en temps de crise. Même en travaillant jusqu’à 17 heures par jour, des quantités innombrables d’ouvriers n’entretiennent leur misérable existence et celle de leur