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ses efforts à modérer le despotisme des princes d’Italie et à exiger d’eux des réformes. De plus, il ne pouvait admettre que l’Autriche mît le pied sur ce pays tout entier. Les troupes autrichiennes massacraient le peuple à Milan, les étudiants à Pavie. La Sicile se soulevait. Parme, Modène, le Piémont étaient en effervescence. Le maréchal autrichien Radetzky répondait par d’horribles menaces, occupait Parme et Modène.

Le pape, pressé par les libéraux et les patriotes, demandait des fusils à la France pour armer ses gardes civiques, et Louis-Philippe lui en envoyait. Les troupes autrichiennes, alors, entraient dans les États de l’Église et occupaient Ferrare. À cette violation des traités de 1815, Guizot répondit en envoyant le prince Joinville avec une forte escadre croiser sur la côte de Civita-Vecchia, pour assurer au pape la protection qui lui était due. Alors on négocia. Metternich ne voulait pas la guerre. Guizot la voulait encore moins. Les troupes autrichiennes évacuèrent Ferrare et la France rappela le prince de Joinville. Ces actes affaiblirent un peu la critique de l’opposition. Cependant Thiers, Mauguin, Odilon Barrot, Lamartine purent reprocher au gouvernement son impudent hommage à la « modération » de l’Autriche acharnée à rétablir le pouvoir absolu dans les petits États d’Italie.

Bresson, notre ambassadeur à Naples, ayant critiqué l’abandon par la France des libéraux italiens après les avoir encouragés par les remontrances qu’elle adressait aux princes absolutistes, reçut de Louis-Philippe un blâme si rude, qu’il ne put le supporter et se suicida. Le prince de Joinville, douloureusement impressionné par cette mort, écrivit à son frère, le duc de Nemours, une lettre où la politique personnelle de leur père, toute de réaction et de perfidie, était jugée avec sévérité et inquiétude.

« Le roi est inflexible, disait Joinville dans cette lettre, il n’écoute plus aucun avis ; il faut que sa volonté l’emporte sur tout… Il n’y a plus de ministres ; leur responsabilité est nulle ; tout remonte au roi. Le roi est arrivé à un âge auquel on n’accepte plus les observations : il est habitué à gouverner ; il aime à montrer que c’est lui qui gouverne… Nous arrivons devant les Chambres avec une détestable situation intérieure et, à l’extérieur, une situation qui n’est pas meilleure. Tout cela est l’œuvre du roi seul, le résultat de la vieillesse d’un roi qui veut gouverner, mais à qui les forces manquent pour prendre une résolution virile. »

Le régent éventuel, à qui ces craintes et ces reproches étaient confiés, ne les entendait pas pour la première fois. Quatre ans auparavant, lors de sa visite au Mans, Trouvé-Chauvel, maire de cette ville, député modéré et ancien préfet de police, lui avait rappelé qu’il devait, « par ses tendances comme par son âge, appartenir à la jeune génération », et « accepter les institutions représentatives », car « les révolutions ne doivent pas placer un peuple au-dessous de ce qu’il était, alors qu’il obéissait aux volontés absolues des rois ». Ce langage avait alors choqué le jeune prince, qui ne s’était pas opposé à la destitution de celui qui le lui