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aussi de l’État, de ses droits, des institutions que la France a voulues, et il ne souffrira pas qu’aucun de ces grands intérêts soit mis en péril. En renonçant à l’administration absolue de l’enseignement, en rompant le lien qui enchaînait à l’Université les établissements particuliers, la nombreuse jeunesse qu’ils abritent, il a toujours les yeux ouverts sur elle, il ne la livre pas à l’esprit de faction. »

Talonné par les invectives de Veuillot, qui l’accusait d’avoir fait des avances au gouvernement, l’évêque Dupanloup se prononça contre le projet. Le Comité pour la défense religieuse le repoussa, en disant que la lutte devait « être reprise avec plus d’énergie que jamais ». Montalembert mena son parti à l’assaut de l’État enseignant, en reprochant leur « mollesse » et leur « lâcheté » aux catholiques qui avaient paru accepter ce que leur offrait Salvandy, en attendant le reste. Cette intransigeance donna beau jeu aux partisans de l’Université. Le rapporteur du projet à la Chambre, Liadières, s’inspira de leur esprit et conclut au rejet.

Le ministère, sentant la commission hostile, ne demanda pas la mise à l’ordre du jour, malgré les hautaines sommations de Montalembert. « Cela se fera, lui répondait Guizot à la Chambre des pairs, avec la prudence que nous y apportons, avec le temps que nous y mettons. » Et pour le faire patienter, il suspendait, en janvier 1848, le cours de Michelet au Collège de France.

Guizot et Salvandy attendaient que l’opinion se fût rendormie de l’alarme des années précédentes. De fait, le calcul n’était pas faux. Le temps faisait son œuvre. L’opinion se passionnait à présent pour la réforme électorale, en même temps qu’elle abandonnait la guerre aux jésuites et qu’elle s’éprenait du pape libéral. Les libéraux tombaient d’accord pour faire trêve vis-à-vis de l’Église, les uns parce qu’ils comptaient sur la réforme pour emporter les jésuites et leur pouvoir avec le reste, les autres parce qu’ils espéraient que le pape libéral débarrasserait l’Église du jésuitisme et la réconcilierait tout à fait avec la société moderne. Georges Renard dira bientôt quels périls contenait cette illusion, et comment elle devait permettre au parti catholique d’obtenir de la République ce que Guizot lui-même n’avait osé ni voulu lui donner.

Telle était la fausseté de sa situation, qu’il n’était pas plus permis à Guizot d’être clérical à l’extérieur qu’à l’intérieur, tout en y étant également conservateur. Il avait bien menacé la Suisse de venger la défaite du Sonderbund, mais force lui avait été, finalement, ainsi qu’à Metternich, d’accepter les faits accomplis, et de laisser cette république se donner la constitution qui lui convenait en remplacement de celle que lui avait imposée la Sainte-Alliance. En Italie, où des mouvements révolutionnaires avaient éclaté au commencement de 1847, à l’instigation du grand agitateur Mazzini, Metternich avait envoyé des troupes au secours des principicules absolutistes menacés.

Grand embarras pour Guizot, interpellé à la Chambre sur cette intervention, car s’il était hostile aux révolutions, il était bien forcé, d’autre part, d’employer