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étaient maltraités. L’un d’eux fut tué à Buzançais, un autre à Belâbre. Les ouvriers du chemin de fer, à Châteauroux, armés de leurs outils, envahissaient le marché.

L’armée réprima ces mouvements et les tribunaux frappèrent impitoyablement les plus exaspérés d’entre les affamés. Le jury des propriétaires de l’Indre en condamna trois à mort, qui furent exécutés sur la place publique de Buzançais, sous les yeux de leurs frères de misère, quatre aux travaux forcés à perpétuité et dix-huit aux travaux forcés à temps.

On tenta d’impliquer le parti communiste dans le procès qui fut fait aux auteurs des troubles de Tours. Blanqui avait été transféré, malade du séjour affreux du Mont Saint-Michel, presque mourant, dans cette ville, en février 1844, et gracié à la fin de l’année. Il refusa sa grâce, dit Gustave Geffroy, « par une lettre énergiquement motivée, adressée le 26 décembre au maire de Tours, pour être transmise au préfet ». Il n’eût d’ailleurs pu en profiter, et, ajoute Geffroy, « il fallut bien garder Blanqui à l’hôpital ».

Enfin, en octobre 1845, après vingt mois de lit, le révolutionnaire put se lever pour la première fois. « Il passe, dit Geffroy, le printemps de 1846 dans les jardins de l’hospice. Il retrouve son ironie pour noter des observations de ce genre : « Les jours de communion, les sœurs de l’hospice de Tours sont inabordables, féroces. Elles ont mangé Dieu. L’orgueil de cette digestion divine les convulsionne. Ces vases de sainteté deviennent des fioles de vitriol. »

Il a pour compagnon de lit Huber, que les odieux traitements endurés au Mont Saint-Michel ont également rendu malade. Le gouvernement, embarrassé de ce prisonnier qui a refusé sa grâce, « laisse sa convalescence se prolonger à l’hospice, dans une demi-liberté ». Blanqui en profite pour faire de la propagande. Béasse et Béraud sont envoyés du Mont Saint-Michel à Tours et rejoignent Blanqui et Huber à l’hospice. Dupoty, condamné pour complicité morale dans l’attentat Quénisset, était également à Tours.

Les communistes de la ville venaient les visiter, et lorsque l’émeute des grains se produisit, ils furent naturellement tous impliqués dans les poursuites. Blanqui fut dénoncé par un agent provocateur, le maçon Houdin, et jeté dans une cellule du pénitencier. La police correctionnelle de Blois l’acquitta, ainsi que Béraud. Vingt-sept autres accusés furent condamnés à des peines variant de cinq jours à six mois de prison.

Cette émeute de Tours, qu’on appela le complot communiste, ou la conspiration des Cabet, affecta profondément l’auteur du Voyage en Icarie, qui, aussitôt après le prononcé du jugement, publia une brochure intitulée : le Voile soulevé sur le procès du communisme à Tours et à Blois.

Dans cette brochure, Cabet constate avec amertume que Blanqui et ses amis révolutionnaires ont entraîné quelques communistes icariens à se séparer de lui et à renoncer à la propagande pacifique et légale qu’il a toujours recommandée et pratiquée. Il les accuse de s’être livrés à ce débauchage de ses adhé-