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grandeur de leurs États respectifs. Elles n’ont jamais évité à ces peuples un sacrifice ni une guerre, et n’ont agrandi que les États qui étaient les mieux armés pour la lutte.

Louis-Philippe avait accepté, mais pour Montpensier seulement. Il comprenait très bien que ni l’Angleterre ni l’Europe ne supporteraient jamais qu’un de ses fils fût assis sur le trône d’Espagne, même comme simple prince-consort. Fort de son refus, il pouvait écarter le candidat que l’Angleterre mettait en avant. Lors de son voyage à Windsor, il fit part à lord Aberdeen de son intention bien arrêtée de ne conclure le mariage de son fils avec l’infante que lorsque la reine Isabelle serait mariée elle-même et aurait eu un enfant. De son côté, lord Aberdeen écarterait la candidature de Léopold de Saxe-Cobourg et accepterait que la reine épousât un descendant de Philippe V.

Les candidats de ce côté ne manquaient point. Mais, naturellement, il ne pouvait être question du fils de don Carlos, puisque don Carlos, au nom de la loi salique, ne reconnaissait pas la reine Isabelle et prétendait pour lui et pour son fils au trône occupé par l’usurpatrice. C’eût été, d’autre part, placer l’absolutisme sur le trône, ce que l’Espagne ne permettrait pas. Louis-Philippe porta son choix sur un Bourbon de Naples, don François d’Assise, et donna à son ambassadeur à Madrid des instructions en ce sens.

La jeune reine détestait cordialement son cousin François, un coquebin fanatisé par les prêtres, abruti de dévotions minutieuses et ineptes et par surcroît fort peu avantageux de sa personne. On le disait impuissant, et ce bruit était sans doute arrivé aux oreilles d’Isabelle, car elles étaient habituées à en entendre bien d’autres. Elle n’eût pas aimé davantage son autre cousin don Enrique. Mais celui-ci, ayant montré des velléités libérales, ne pouvait convenir à Louis-Philippe. Donner un époux impuissant à Isabelle, c’était ouvrir l’accès du trône d’Espagne à Montpensier. Telle était l’arrière-pensée du roi, qui tantôt avançait, tantôt reculait, travaillé en sens contraires par la crainte de voir l’Angleterre nouer une coalition des puissances et par le désir de caser ses enfants.

Mais l’ambassadeur anglais, Bulwer, s’inquiétait fort peu des promesses faites par son ministre au roi des Français. Il s’appliqua à miner la candidature d’un Bourbon à la main de la reine, circonvint habilement Marie-Christine qui, n’étant plus sous l’influence directe de Louis-Philippe et n’ayant plus besoin de ses bons offices, oublia ses promesses et écrivit au duc de Saxe-Cobourg pour lui faire savoir qu’elle agréerait la candidature de son fils. Louis-Philippe, immédiatement informé de cette intrigue, s’en plaignit au chef du Foreign Office, qui désavoua son ambassadeur à Madrid et lui enjoignit de cesser d’agir en faveur de Cobourg.

Sur ces entrefaites, le ministère tory était renversé. Le 29 juillet 1846, un ministère wigh, présidé par John Russel, arrivait aux affaires avec Palmerston au Foreign Office. Le premier soin de celui-ci fut d’approuver Bulwer pour ce qu’il avait fait et de donner une liste de trois candidats à la main de la reine d’Es-