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en uniforme, bien qu’il ne fût pas député, un autre ministre qu’ils traitèrent de voleur, et rendirent tout gouvernement impossible. Espartero suspendit d’abord la session, puis prononça une nouvelle dissolution, à laquelle répondit immédiatement une insurrection qui éclata presque simultanément à Grenade et à Barcelone. La junte insurrectionnelle de Grenade nomma Narvaez, le confident de Marie-Christine, capitaine général de Valence et de Murcie.

Espartero se mit immédiatement en campagne, mais tandis qu’il bombardait Séville, Narvaez entrait à Madrid, s’emparait du gouvernement et envoyait Concha au secours de la ville assiégée. Vaincu, Espartero s’enfuit en Angleterre. Un général venait de vaincre un général. La cause de la liberté ne devait rien y gagner. Le simulacre des élections amena aux Cortès une majorité favorable aux vainqueurs. La défaite d’Espartero. que les chefs politiques avaient abandonné, n’était pas celle du libéralisme, mais seulement de l’influence anglaise au profit de l’influence française, ou plutôt au gré des désirs de Louis-Philippe et de ses affections et combinaisons familiales.

Aux révolutions militaires succédaient les révolutions de palais, toujours sous le couvert des institutions représentatives, et avec leur sanction en faveur du plus fort. Les Cortès avaient proclamé la majorité de la reine Isabelle, anticipant d’une année sur la date légale. Narvaez comptait garder l’influence qu’il avait acquise sur elle. Ses détracteurs affirmèrent qu’il s’était attaché par les liens les plus doux la précoce jeune fille. Elle avait alors treize ans et devait, par la suite, en voir bien d’autres.

Au ministère Lopez, ramené par Narvaez, succéda un ministère Olozaga qui ne pouvant gouverner avec les Cortès, dont la majorité était composée de libéraux et de monarchistes coalisés, voulut dissoudre l’Assemblée et, sans prendre l’avis de ses collègues du cabinet, obtint la signature de la reine au bas du décret. Narvaez accusa Olozaga d’avoir employé la violence pour obtenir cette signature. Isabelle, interrogée, répondit comme le voulut Narvaez, qui cria au scandale. On avait touché à la reine ! Il réunit le président et les vice-présidents des Cortès et décida avec eux la destitution d’Olozaga. Celui-ci protesta, cria qu’il n’avait pas employé la violence, que c’était une manœuvre des Christinos. On ne le crut pas : il n’était pas le plus fort. Un nouveau ministère fut nommé, et un de ses premiers actes fut de rappeler d’exil l’ex-reine régente. Rappel purement théorique et formel, Marie-Christine étant rentrée en Espagne lors de la chute d’Espartero.

Pendant son séjour à Paris, elle avait, dès 1840, proposé à Louis-Philippe une combinaison matrimoniale consistant à donner ses deux filles aux deux fils du roi : le duc d’Aumale épouserait la reine Isabelle, et le duc de Montpensier l’infante Louise-Fernande. Les princesses avaient alors dix ans et huit ans. Naturellement, il n’était pas plus question de leur consentement que de celui des fils de Louis-Philippe, qui étaient âgés de dix-huit et seize ans. Les théoriciens de la monarchie présentent ces combinaisons, où les sentiments des futurs époux ne jouent aucun rôle, comme un sacrifice fait par les princes à leurs peuples, à la