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La faveur du roi Louis XVIII aida fort à ces opérations fructueuses. Il n’était pas encore installé aux Tuileries qu’il accordait aux sollicitations du duc d’Orléans la restitution immédiate de tous les biens de sa famille « soit qu’ils fassent partie du domaine de la couronne, soit qu’ils soient affectés à des établissements publics, etc. » Ces biens n’étaient point indemnes ; ils étaient grevés des dettes nombreuses de Philippe-Égalité, et deux arrêtés du Conseil d’État en avaient, en vendémiaire an X et pluviôse an XI, ordonné la vente comme biens d’émigré afin que, sur le produit, les créanciers fussent désintéressés. L’État les acheta et Louis XVIII les rendit au fils de Philippe Égalité par une ordonnance du 20 août 1814, trois mois après sa rentrée en France. On voit que le duc d’Orléans n’avait pas perdu de temps. Une autre ordonnance du 7 octobre 1814 stipule que le duc rentrera en possession des biens dont son père a joui « à quelque titre et sous quelque dénomination que ce soit. »

On verra dans le cours de ce récit à quels débats, à quelles avanies, à quelles humiliations Louis-Philippe s’exposera pour arracher au Parlement, et sans y parvenir toujours, une augmentation de la liste civile ou une dotation pour un de ses nombreux enfants. Ces querelles, où éclate l’âpreté au gain du roi de la bourgeoisie choquaient la bourgeoisie elle-même. Elles firent la fortune des pamphlets de M. de Cornenin, dont M. Thureau-Dangin peut bien dire que le « fonds » était « misérable » ; mais l’historien orléaniste n’en est pas moins contraint d’avouer tout de même que Louis-Philippe, « comme prince et surtout comme père de famille, avait fort à cœur, trop à cœur parfois, la solution de ces questions de dotation. »

À présent, doit-on conserver à Louis-Philippe sa réputation d’avare et de thésauriseur ? Pour l’en décharger, M. Thureau-Dangin, qui avoue que « certaines manières d’être de Louis-Philippe aidaient sur ce point la méchanceté de ses ennemis », publie le fragment que voici du rapport du liquidateur général nommé par le gouvernement provisoire de 1848 :

« Louis-Philippe jouissait de sa liste civile en prince éclairé, protecteur des arts, propice aux classes ouvrières, bienfaisant pour les malheureux. La nation avait voulu que, sur le trône, il fût grand, digne et généreux ; il fit ce que la nation attendait de lui, peut-être même un peu plus encore et un peu mieux… Il faut donc repousser le reproche de parcimonie qui lui fut adressé ; il faut donc regretter ces accusations injustes qui furent élevées contre lui, et que dément aujourd’hui, que démentira dans la postérité le souvenir de ses actes et de ses œuvres, dont quelques-unes seront debout longtemps encore. »

De son côté, le marquis de Flers énumère les œuvres auxquelles Louis-Philippe s’est intéressé : « Ce prince qu’on a si justement accusé de parcimonie, dit-il, paya 23 millions et demi sur sa liste civile pour la restauration du palais de Versailles. » De plus, pendant tout son règne, il alloua « aux musées, aux manufactures royales, au service du mobilier de la couronne, aux haras et aux bibliothèques, une somme de 50 millions 868.000 francs, soit en moyenne à peu près trois millions par an. » Enfin, en qualité de propriétaire du Palais-Royal où se trouve la Comédie-Fran-