C’était mettre à la fois la main de l’Église sur l’enseignement secondaire et sur l’enseignement supérieur, tout en libérant ses écoles de toute surveillance. Cousin défendit avec une haute éloquence les droits de l’État, ceux de la société laïque tout entière. « Dès l’enfance, s’écria-t-il, nous apprendrons à nous fuir les uns les autres, à nous renfermer dans des camps différents, des prêtres à notre tête. Merveilleux apprentissage de cette charité civile qu’on appelle le patriotisme. »
Il proclama les droits, les devoirs, la fonction de l’État en ces termes qu’un socialiste n’eût point désavoués : « Il n’y a rien dans la société qui ne soit fait pour la société, rien par conséquent qui ne doive relever en une certaine mesure et par quelque côté de la puissance sociale, c’est-à-dire de l’État. » Rossi confirma en disant de son côté : « Qu’on demande à l’Église si elle livrerait la prêtrise au premier venu ; qu’on demande à l’État s’il permettrait au premier venu d’exercer la médecine ! » Et on lui demanderait de pouvoir « dire au premier venu : Vous êtes parfaitement libre de corrompre une génération, de lui inspirer des sentiments hostiles à notre institution, à notre monarchie ! »
Pour le jurisconsulte Portalis, le droit d’enseigner n’était ni un droit naturel ni un droit individuel, car, disait-il, ce droit « suppose, pour qu’il puisse s’exercer, le concours de plusieurs volontés. Dès lors, c’est un droit que l’on ne peut tenir que de la loi et dans les limites de la loi ». Les établissements d’enseignement sont « publics par leur nature » ; on ne peut donc, sous prétexte d’instruire la jeunesse, « s’emparer des esprits, exalter les passions, disposer des âmes et saper les croyances religieuses, les lois fondamentales de l’État ».
La Chambre des pairs n’en fit pas moins d’importantes concessions aux cléricaux : ils obtinrent que la modification du programme du baccalauréat fût confiée au Conseil d’État et non au conseil de l’Instruction publique, que le nombre des membres de l’enseignement dans les jurys chargés de délivrer les brevets de capacité pût être réduit à une unité, que la juridiction des établissements privés fût enlevée aux conseils académiques et au conseil de l’Instruction publique et transférée aux tribunaux, afin qu’on ne pût être poursuivi devant les tribunaux pour enseignement séditieux. Ces concessions firent pousser des cris de joie au parti de l’Église. Veuillot écrivit une apologie du régime parlementaire, auquel il fallait « s’attacher avec amour ».
Restait la Chambre. Or, celle-ci était plus proche de l’opinion publique que la Chambre des pairs. Elle avait nommé Thiers comme rapporteur, et celui-ci ne cachait pas ses inquiétudes devant l’envahissement des jésuites, et son hostilité à cet envahissement. Toute la presse libérale et républicaine était soulevée contre les votes arrachés aux pairs par Montalembert à la mollesse du duc de Broglie, à la complicité de Guizot et aux hésitations de Villemain.
Aux agressions de la jeunesse cléricale contre les professeurs libéraux, la