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daire, voit que le parti catholique de 1899 n’eut qu’à copier l’organisation de 1843 et 1844. Et comme en 1899, le clergé, évêques en tête, fit corps avec les laïques et les congrégations, subit leur direction, leur prêta la force qu’il tenait de la puissance publique. Le Concordat avait tué le gallicanisme, sauf en quelques prêtres récalcitrants, mal notés à Rome, point soutenus par le gouvernement. Si Bossuet était revenu, par un de ces miracles familiers à l’imagination catholique, et s’il avait repris le gouvernement du diocèse de Meaux, son clergé et les fidèles l’eussent traité comme un ennemi de l’Église. Ce que le Concordat avait commencé, les congrégations, et surtout celle des jésuites, devaient l’achever.

Était-elle donc si terrible, cette loi Villemain ? Elle donnait la faculté d’ouvrir des institutions ou des pensions aux particuliers pourvus du diplôme de bachelier, d’un certificat de moralité délivré par le maire et d’un brevet de capacité délivré par un jury formé du recteur, du maire, du procureur du roi, d’un chef d’institution et de quatre notables ou professeurs. De plus, les établissements dont les professeurs auraient les mêmes grades que ceux des collèges jouiraient du plein exercice, c’est-à-dire du droit de ne pas conduire leurs élèves aux collèges de l’Université et de les présenter directement au baccalauréat. Enfin, et, par là on croyait se concilier les évêques, qui avaient la direction des petits séminaires, ces établissements, destinés théoriquement à préparer les enfants à la carrière ecclésiastique, conservaient leur indépendance, leurs privilèges et immunités : leurs professeurs étaient dispensés de tout grade universitaire, la moitié de leurs élèves sortants pouvaient être présentés au baccalauréat, et le grade leur demeurait acquis sans qu’ils fussent tenus d’embrasser la prêtrise.

Mais Villemain avait repris une concession importante faite en 1841 aux petits séminaires. Selon la loi de 1828, ils ne pouvaient compter un effectif supérieur à vingt mille élèves, ce chiffre ayant été jugé largement suffisant pour assurer le recrutement du clergé. Mais les cléricaux avaient fait des petits séminaires de véritables établissements secondaires : le projet es 1841 les favorisait en donnant aux petits séminaires le droit de recevoir des élèves en nombre illimité. Le projet de 1844 maintenait la fixation au maximum de vingt mille.

L’archevêque de Paris attaqua vivement le projet sur les petits séminaires, dans un mémoire adressé au roi et reproduit par la presse religieuse. Les évêques suivirent l’impulsion. Limiter le nombre d’élèves des petits séminaires, c’était toucher le cléricalisme dans une de ses œuvres vives, puisque ces établissements vivaient sous un statut spécial, de faveur. Le roi ne put faire autrement, à son vif regret, que de blâmer « l’inconvenance » de l’archevêque Affre.

Ce qui enrageait les cléricaux contre la loi de l’enseignement secondaire, c’était le maintien de l’enseignement de la philosophie dans les programmes.