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giés politiques de diverses nationalités, et, comme nous le verrons plus loin, les socialistes allemands et anglais devaient, quelques années plus tard, essayer une organisation internationale des forces communistes, comme la charbonnerie avait organisé internationalement le libéralisme.

En outre de la propagande fouriériste faite en Allemagne, en Belgique, en Espagne, en Angleterre, il y avait, dans ce dernier pays surtout, groupés autour de Robert Owen, des socialistes qui se séparaient du radicalisme politique avec des arguments que nous voyons encore aujourd’hui employer par certains socialistes français.

« On a prétendu, disaient-ils en 1838, que les privilèges politiques impliquent l’amélioration et la régénération de notre organisation sociale, mais nous ne pouvons l’admettre. Contre la vérité de cette affirmation, nous avons à opposer la saisissante anomalie que présente l’Amérique, où une constitution politique fondée sur les principes du radicalisme politique coexiste avec des crises économiques, avec une classe ouvrière misérable, avec une lutte continuelle entre les classes riches et les classes pauvres. » Ils opposaient à ce tableau celui de l’Allemagne encore quasi-féodale et absolutiste, où l’on s’occupait davantage du bien-être et de l’instruction des classes populaires.

Les communistes de l’école de Robert Owen n’étaient pas tous partisans de cet indifférentisme politique. Owen lui-même avait pris part, et une part active, à l’ardente lutte menée par les trades unions. Puis il avait répudié la grève comme il répudiait l’action politique. Il fallait fonder des villages communistes sur le modèle qu’il avait établi à New-Lanark, puis à New-Harmony, et compter sur la force de propagande de l’exemple. De l’immense tâche entreprise par le grand communiste anglais, il reste aujourd’hui une puissante organisation de coopératives de consommation, qui ne réalisent certes pas l’idéal communiste de Robert Owen, mais sont l’école pratique où le génie de la classe ouvrière anglaise se prépare patiemment à exercer la souveraineté économique.

L’Angleterre ayant été le premier théâtre du développement capitaliste et du machinisme, fut également le premier théâtre des luttes de classes du XIXe siècle. Groupés par milliers dans les manufactures, puis refoulés de ces manufactures par les machines, coupeuses de bras, les ouvriers, dès 1814, à Sheffield et à Nottingham, ensuite à Manchester, et un peu partout pendant une quinzaine d’années, s’ameutaient, brisaient les machines, incendiaient les ateliers, subissaient des répressions féroces. Mais tout de même leur nombre affirmé en force par leur union leur donnait le droit syndical.

À l’agitation des luddistes, ou briseurs de machines, succéda l’agitation syndicale par les trades unions, pour la conquête des droits politiques. Ce fut, de 1829 à 1842, une nouvelle période révolutionnaire. Le parti du travail demandait une charte au Parlement, non pour substituer sa souveraineté à la bourgeoisie capitaliste et à la noblesse territoriale, mais pour compter comme