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Ferdinand VII, représentant de la maison de Bourbon, contre le roi Joseph, frère de Napoléon. Il se fait fort, auprès de Louis XVIII, de décider les soldats de Junot et de Murat à « tourner leurs armes contre l’usurpateur. » Il remercie en ces termes le Conseil suprême de régence :

« Seigneurs, le cri que la nation espagnole a jeté contre l’odieuse agression de Bayonne, en jurant de conserver son indépendance et sa fidélité à son roi légitime, le seigneur don Ferdinand VII, n’a jamais cessé de retentir dans mon cœur, et depuis cette époque le premier de nos vœux a été d’obtenir l’honneur que Votre Majesté me fait aujourd’hui en me permettant d’aller combattre avec ses armées. »

Malgré ces protestations évidemment sincères, Louis XVIII ne voulut pas oublier que naguère le fils d’Égalité s’était proclamé « jacobin jusqu’au bout des ongles » ; il eut peur d’un nouveau revirement, et il pria le gouvernement anglais d’intervenir auprès de la junte espagnole afin que le commandement de l’armée de Catalogne fût enlevé à son trop remuant parent. Celui-ci dut se résigner à ne pas combattre les armées françaises ; il revint à Palerme auprès de son beau-père et de sa belle-mère, la reine Caroline, cette « enragée de réaction », comme l’appelle si justement M. Debidour.

Louis XVIII avait pourtant, pour garantie de la fidélité de son cousin, la fameuse déclaration d’Hartwell, que Louis-Philippe d’Orléans avait signée, comme tous les membres de la famille royale. Cette déclaration prévoyait une révolution comme celle qui devait s’accomplir en 1830, et dans cette occurence elle définissait en ces termes leur devoir aux princes qui l’avaient signée :

« Que, si l’injuste emploi d’une force majeure parvenait (ce qu’à Dieu ne plaise) à placer de fait et jamais de droit sur le trône de France tout autre que le roi légitime, nous déclarons que nous suivrons avec autant de confiance que de fidélité la voie de l’honneur, qui nous prescrit d’en appeler jusqu’à notre dernier soupir à Dieu, aux Français et à notre épée. »

Il y a un appel oublié, dans cette déclaration : c’est l’appel à l’étranger.

Louis-Philippe, pendant toute la période d’émigration, est si impatient d’agir, de se signaler au service de la réaction européenne contre la France, ou même simplement de remplir sa fonction de prince, qu’il ira jusqu’à solliciter la souveraineté des îles Ioniennes conquises à ce moment par la France. Dans la lettre à Lourdoueix que j’ai citée plus haut, il avoue en ces termes cette minuscule ambition, car il est « comme Tantale, et affamé comme lui » :

« L’archiduc Ferdinand aura Modène, etc, et on se flatte que la Toscane passera au prince Léopold. Mais ce qui est bizarre, il reste un petit État à donner, c’est-à-dire à prendre, et personne n’en veut : cela est curieux ! La reine m’a dit : « La place est vide, mettez-vous y » ; et je lui ai dit : « Je m’y mettrais bien mais il faut que l’on veuille m’y laisser mettre… » Il importe à l’Angleterre d’arracher ces îles aux Français. l’Autriche accédera à tout, pourvu que les Français en soient exclus. Si elle me croit un personnage convenable pour ces îles, je suis tout