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leur optimisme, il ne suffit pas de surexciter l’industrie ». C’est cependant dans ce développement du capitalisme que, comme Pecqueur, il aperçoit le salut. Mais, tandis qu’on pousse à ce progrès, « il faut en même temps appeler l’ouvrier à participer à la richesse créée ». C’est le rôle de la démocratie, par l’État, d’organiser cette participation.

Aussi est-ce « au nom de la liberté » que Vidal demande l’organisation d’un pouvoir fort, agissant dans le domaine économique en faveur des déshérités. Il affirme le devoir pour « les véritables amis de la démocratie » de « réhabiliter l’idée de pouvoir, dans l’intérêt du peuple, dans l’intérêt de l’ordre et de la liberté ». « En désarmant le pouvoir, dit-il, en le réduisant à l’impuissance, on croyait arriver à la liberté la plus complète, et l’on a abouti à l’excès de l’imprévoyance et de l’égoïsme, au triomphe de la force sur la raison et sur le droit, à la domination de quelques intérêts particuliers, des intérêts de la minorité, enfin à l’anarchie universelle. »

Que vient-on parler de charte, d’équilibre des trois pouvoirs, et autres fadaises ! « Il est temps, dit Vidal, de laisser un peu de côté les questions de personnes, pour aborder franchement les véritables questions, les questions économiques et sociales. » Car « il n’y a ni dignité, ni moralité, ni indépendance possibles pour l’homme qui n’a point l’existence garantie, qui n’est pas assuré de pouvoir toujours gagner par son travail de quoi suffire aux besoins de la vie ».

Mais à côté de l’État qui les aide, il faut que les travailleurs s’aident eux-mêmes. Vidal préconise donc, en disciple de Fourier, la coopération commanditée par l’État et même par les capitalistes, car il a très bien aperçu que ces derniers cherchaient avant tout le profit, et qu’ils n’ont pas, dans leur fonction, le sentiment de classe. Et de fait, les grandes coopératives ouvrières de consommation trouvent aujourd’hui auprès de leurs fournisseurs un crédit que ne trouvent pas les petits boutiquiers à la clientèle incertaine, menacés à chaque instant par la faillite. En voulant réduire le capitaliste à la fonction de rentier, en transformant ses capitaux en instrument de crédit et non plus en moyen d’exploitation du travail, en supprimant le profit capitaliste réduit au loyer de l’argent, dont le taux s’abaisserait nécessairement à mesure que grandirait la puissance économique des associations de producteurs, Vidal traçait un plan de socialisation progressive de l’industrie, toutes les associations se garantissant l’existence par une assurance mutuelle, et les coopératives de consommation assurant un débouché aux associations de production, que Proudhon a traité beaucoup trop légèrement lorsqu’il s’est écrié méchamment :

« Vidal est le dernier mot de L. Blanc ; je le connais de vieille date ; c’est un compilateur sans invention et qui va jusqu’au plagiat. »

Dans le même temps surgit un autre formulateur du collectivisme. Colins, ancien colonel du premier empire, qui écrit en 1843 les premières parties de la Science sociale. Il a à cette époque cinquante ans. En 1835 il a publié, sans