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Royal », encore habité par Louis-Philippe et sa famille. « Ils ne descendaient pas dans la rue, ceux-là, ajoute l’historien, ni pour abattre les croix et dégrader des mouvements, ni pour faire asseoir le carnaval sur l’autel ; ils criaient seulement : De l’ouvrage et du pain ! On marche sur eux la baïonnette au bout du fusil. »

Ces « bandes de prolétaires », qui, nous dit M. Thureau-Dangin, assaillaient le Palais-Royal certaine nuit de bal à la Cour et venaient mêler aux mélodies de l’orchestre le hurlement sinistre de la faim, on n’avait plus besoin d’elles pour faire peur à ceux qui, l’hiver précédent, avaient conduit le bal aux Tuileries.

Avec une hypocrisie si violente qu’elle est plus effrontée que le cynisme, la bourgeoisie toute puissante à la Chambre prit prétexte des incidents de Saint-Germain-l’Auxerrois et de l’archevêché pour reprocher au gouvernement de Laffitte son manque d’énergie en face de l’émeute. À présent que, au péril de leur popularité, Laffitte et Odilon Barrot avaient enrayé la révolution, les hommes de la résistance, Casimir Périer en tête, se sentaient de taille à la faire reculer.



CHAPITRE IV


LE ROI DE LA BOURGEOISIE


Louis-Philippe continuateur de la Restauration. — Sa duplicité et son esprit d’intrigue. — Son rôle dans l’émigration : il signe la déclaration légitimiste d’Hartwell. — Il sollicite en vain un commandement contre la France. — Ses vertus familiales et ce qu’elles ont coûté à la France. — Son rôle dans la captation de l’héritage de Condé.


La bourgeoisie a fait roi Louis-Philippe d’Orléans. Mais est-il bien à elle ? Oui, en ce sens qu’elle sera la classe bénéficiaire du règne qui commence. Non, si l’on entend par là qu’il subordonnera sa volonté et soumettra ses actes aux représentants politiques et économiques de cette classe. Profondément bourgeois sous ce rapport, le nouveau roi accorde ses intérêts à ceux de la bourgeoisie : un marché plutôt qu’un pacte, d’ailleurs hautement avoué, les attache l’un à l’autre. La bourgeoisie n’a pas créé sa royauté ; cela, il ne l’a jamais admis, sauf dans les hypocrites effusions du premier jour où le sol tremblait encore sous le trône décalé : elle a ouvert à un prince de sang royal l’accès du trône, ce qui est bien différent.

La bourgeoisie n’est ni théoricienne, ni sentimentale. Peu lui importe donc que le roi qu’elle vient de faire entendre se fonde sur la quasi-légitimité plutôt que sur sa volonté à elle ! Ce pouvoir même, dont il se montrera si jaloux, il ne l’exercera que dans le sens où elle trouve son compte.

La paix internationale est nécessaire aux chefs de la banque, du négoce et de