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des communautés agricoles imprégnées de l’esprit fouriériste. En moins de dix ans, une quarantaine de phalanstères furent organisés ; en 1843, on en comptait déjà treize. Ils devaient peu durer.

Ceux qui résistèrent le plus aux causes de dissolution extérieures et intérieures furent les groupes religieux, les swedenborgiens, notamment, qui faisaient de l’association économique le moyen de réaliser leur idéal mystique. Encore aujourd’hui, la pratique coopérative qui fait du mormonisme une organisation relativement collectiviste n’a pas d’autre objet que d’assurer à cette secte les moyens de vivre et de poursuivre son but exclusivement religieux.

En même temps que les phalanstériens développaient ainsi leur activité, au point d’être considérés en France et à l’étranger comme l’unique parti socialiste, les communistes continuaient à recruter des adhérents dans la classe ouvrière, séduite par la simplicité de la doctrine autant que par la magnificence des perspectives qu’elle leur ouvrait. Dézamy publiait pour eux son Code de la Communauté. où l’égalité sociale absolue était indiquée comme le souverain bien. Richard de la Hautière affirmait le même idéal dans le journal l’Intelligence, fondé par Laponneraye, et dans son Petit catéchisme de la réforme sociale.

Pillot, qui devait faire partie de la Commune de 1871, était un ancien prêtre de l’Église de l’abbé Châtel, où, trente ans avant M. Hyacinthe Loyson, on tentait de rénover le culte catholique en disant la messe en français. Il publiait en 1840 une brochure : Ni châteaux ni chaumières, où il affirmait le communisme non seulement comme un idéal humanitaire, mais comme une doctrine économique et sociale scientifiquement démontrée. « Qui fait ce qu’il peut, disait-il, fait ce qu’il doit. Chacun a droit à la satisfaction de ses véritables besoins, lorsque tous possèdent le nécessaire. »

Comme les communistes de cette époque, Pillot subordonnait la liberté à l’égalité, n’admettant pas qu’un individu raisonnable pût se refuser à profiter des avantages de la communauté des biens. « L’empire de la sottise est à son terme, disait-il un peu prématurément ; celui de la science commence. « Et, fort de son infaillibilité scientifique, il rétorquait ainsi les objections contre le communisme : « Mais, nous dira-t-on, l’humanité n’en veut pas ? — Mais, répondrai-je, si les pensionnaires de Bicètre ne voulaient pas de douches ? »

À l’Égalitaire, Richard de la Hautière avait fait succéder un nouveau journal, la Fraternité, avec un groupe de communistes révolutionnaires, en opposition aux communistes pacifiques groupés par Cabet autour du journal le Populaire. La Fraternité ne dura également que quelques mois. « Nous nous garderons bien, disaient ses rédacteurs, de fixer un terme à la réalisation de nos idées. Ce que nous désirons, c’est que le peuple ait une foi qui lui rende son activité et lui maintienne le don de la persévérance aux jours d’épreuve, une doctrine qui remplace enfin à son avantage les théories insuffisantes de la