Page:Jaurès - Histoire socialiste, VIII.djvu/446

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tant d’aléas. Les possédants le comprirent assez vite : les non-possédants ne devaient pas tarder à l’apprendre à leur tour et à demander leur part dans les produits d’une propriété transformée, produits qui étaient l’œuvre de leurs mains et de leur cerveau.

La loi des chemins de fer fut la dernière de cette législature, et le 9 juillet, les élections générales eurent lieu. Le ministère garda sa majorité, mais les républicains revinrent renforcés. Sur dix élus de l’opposition à Paris, qui nommait douze députés, deux étaient républicains : Hippolyte Carnot et Marie ; Ledru-Rollin était réélu dans la Sarthe et Garnier-Pagès jeune était élu dans l’Eure.

Quelques jours après, le 13 juillet, à Neuilly, un accident privait la monarchie de son plus ferme espoir : le duc d’Orléans était tué net, en sautant de sa voiture dont les chevaux s’étaient emballés. Il laissait, pour succéder à un vieillard de soixante-dix ans, un frêle enfant de quatre ans, le comte de Paris, qui devait attendre vainement dans l’exil un retour de fortune et léguer à son fils une espérance plus vague encore, un titre de prétendant plus facilement transmissible que celui de roi des Français.


CHAPITRE III


LA CORRUPTION


La loi de régence : Lamartine se sépare définitivement du ministère. — L’union douanière franco-belge. — La coalition des grands industriels du Nord la fait échouer. — Les grands travaux de Paris et les tripotages de l’Hôtel de Ville. — Les concessions aux Compagnies de chemins de fer. — La corruption électorale jugée par la Chambre. — Visite de la reine Victoria au roi Louis-Philippe.


À mesure que naissaient les forces de l’avenir et qu’elles se heurtaient dans un chaos d’affirmations, de négations, de rêves mystiques, de fureurs bouillonnantes, unies quand même par un immense désir de vie et d’action, les forces du passé réparaient en hâte la brèche faite à la monarchie par un banal accident de voiture. Le ministère avait convoqué aussitôt les Chambres et leur avait proposé la régence du duc de Nemours.

Grave conflit entre le droit constitutionnel et le droit monarchique ! Pourquoi le duc de Nemours, alors que la duchesse d’Orléans, mère de l’héritier du trône, était là, bien vivante, en pleine santé d’esprit ? Désigner l’aîné des mâles de la famille royale, c’était subordonner la nation à la dynastie, disait Lamartine. En désignant la mère du futur roi, les Chambres n’empiétaient pas sur les prérogatives royales, puisqu’elles observaient l’ordre de la nature.