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nistres des ordonnances, n’avait que très mollement contenu les groupes qui hurlaient à la mort aux portes du Luxembourg. Il est certain que, sans l’initiative audacieuse du ministre de l’intérieur, la garde nationale, malgré la présence et les objurgations pressantes de Lafayette, se serait laissé déborder par la foule, qui aurait fait des prisonniers ce qu’elle eût voulu.

Sur quatre batteries que comprenait l’artillerie de la garde nationale, deux étaient républicaines ; la jeunesse dorée du parti s’était groupée là, fière de son uniforme bien pincé à la taille, comme disait ironiquement Raspail, et de ses nombreux colifichets. Ces jeunes gens étaient commandés par Bastide et Thomas pour la troisième batterie, et par Guinard et Cavaignac pour la seconde. C’est dire qu’ils recevaient tous l’inspiration de la société des Amis du peuple.

Le procès qui leur fut fait, sous l’accusation d’avoir pactisé avec l’émeute, démontra qu’ils s’étaient tenus dans la réserve, prêts à marcher seulement si le peuple s’ébranlait pour de bon. Ils déclarèrent ne s’être réunis que pour réprimer un complot bonapartiste dont on leur avait donné avis.

L’agitation parisienne se porta sur un autre point. Avant de transformer la société d’étudiants fondée par lui en groupe révolutionnaire armé, Sambuc, aidé de Blanqui, Ploque et Morhéry, notamment, avait tenté d’organiser une fédération des étudiants de toutes les écoles.

Un Projet d’association des écoles fut publié dans la Tribune du 29 décembre. Son but était de « resserrer autant que possible les liens de patriotisme et d’amitié », et aussi d’entretenir parmi les étudiants « la concorde, la fraternité et l’uniformité des principes. » Les fonds provenant des cotisations étaient destinés à payer les frais d’impression des écrits où seraient exprimés ces principes.

Les signataires de cet appel furent traduits devant le conseil académique et condamnés à perdre une partie de leurs inscriptions. Blanqui notamment en perdit trois. Les étudiants s’ameutèrent, exaspérés, assaillirent à la sortie du conseil Mérilhou, le nouveau ministre de l’instruction publique, et Persil, le procureur général. Des huées les poursuivirent jusqu’à leur voiture, dont les vitres furent cassées ; on les bombarda avec des œufs. Bref, ce fut un tumulte scolaire tout à fait réussi.

Le gouvernement, qui venait d’avoir recours à la jeunesse des écoles pour pacifier la rue au moment le plus aigu du procès des ministres y tenta de pallier l’effet déplorable de cette algarade sur l’opinion publique. Au dire de la Tribune « on établit de toutes parts des registres destinés à recueillir des signatures d’étudiants où, sous prétexte de désavouer des excès odieux, on désavouait aussi l’Association des Écoles ».

Le soir même de l’affaire, ou plutôt dans la nuit qui suivit, Sambuc, Ploque et Blanqui étaient arrêtés. Pour celui-ci, les rédacteurs parlementaires de plusieurs journaux établirent qu’il se trouvait à la Chambre au moment où se produisait la bagarre de la Sorbonne. La police et le parquet ne l’ignoraient point, ; mais ils savaient aussi que Blanqui était le rédacteur du manifeste des étudiants.

Sur les protestations des journaux, le préfet de police se défendit d’avoir usé