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elle ? « — R. Parce qu’elle a associé quelques classes du peuple à l’exploitation de toutes les autres.

« … 8. D. Quels sont ses droits [au citoyen] ? — R. Le droit à l’existence : À la condition du travail, chaque homme doit avoir son existence assurée. Le droit à l’éducation : L’homme n’est pas seulement un composé de matière, il a une intelligence. Le droit électoral.

« … 11. D. Comment le peuple manifeste-t-il sa volonté ? — R. Par la loi qui n’est autre chose que l’expression de la volonté générale. »

Affirmer que la loi doit être l’expression de la volonté générale, voilà ce que Mérilhou appelait une « propagande anarchiste ». Il est vrai que la formule déclarait nécessaire d’employer un pouvoir révolutionnaire qui mette le peuple à même d’exercer ses droits. Mais la bourgeoisie avait-elle fuit autre chose neuf ans auparavant ? De ce chef, elle n’avait rien à reprocher aux hommes qui étaient devant elle. Elle pouvait les frapper, puisqu’ils étaient des vaincus, mais non les juger.

Forts de cette conviction conforme à la stricte réalité, Barbès, Martin-Bernard et leurs coaccusés refusèrent de répondre à l’interrogatoire et de se défendre. Barbès ne voulut se justifier que sur un point. On lui imputait le meurtre du lieutenant Drouineau. Tout en prenant pour le fait de l’émeute toutes les responsabilités, il rejeta celle-là avec horreur.

Les pairs ne l’en condamnèrent pas moins à mort, tandis que Martin-Bernard était condamné à la déportation, Mialon aux travaux forcés à perpétuité, Delsade et Austen à quinze ans de détention. Les autres condamnations s’échelonnaient de six années de détention à deux ans de prison. Quatre accusés étaient acquittés.

La condamnation de Barbès consterna et indigna l’opinion. Le lendemain même, les étudiants se rendaient en masse au ministère de la Justice et y déposèrent une pétition contre la peine de mort en matière politique en même temps qu’une demande de commutation de peine pour Barbès. Des ouvriers voulurent s’associer à cette manifestation de la jeunesse des écoles ; ils furent brutalement dispersés.

Victor Hugo intervint. Il adressa ce quatrain au roi, qui venait de perdre sa fille et à qui la jeune duchesse d’Orléans venait de donner un petit-fils, espoir de la dynastie :

Par votre ange envolée ainsi qu’une colombe !
Par le royal enfant, doux et frêle roseau !
Grâce encore une fois ! Grâce au nom de la tombe !
____Grâce au nom du berceau !

Stoïque, Barbès attendait son sort en prison. À la lecture de l’arrêt qui le frappait, il s’était écrié avec angoisse : — Martin-Bernard est-il condamné à mort ? et la joie avait paru sur ses traits d’apprendre que son ami avait la vie sauve. Son sacrifice était fait du jour où il était entré dans la lutte, et dans cette suprême épreuve, il remerciait Dieu de l’avoir fait « Français, républicain, aimé