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Soult, encore tout reluisant de son ambassade auprès de la jeune reine Victoria.

Le procès des insurgés ne traîna pas. Pour faire plus court, la Chambre des pairs divisa les accusés en deux fournées, institua deux procès distincts, au mépris des règles les plus élémentaires du droit. Dix-neuf insurgés furent de la première fournée, Barbès et Martin-Bernard en tête. Arago, Dupont, Jules Favre, Madier-Montjau étaient parmi les défenseurs.

Mérilhou, le rapporteur, s’était attaché tout d’abord à montrer le caractère nouveau de cette tentative insurrectionnelle, non dans les moyens employés, mais dans la pensée qui l’inspirait. « En 1834, disait-il, les juges avaient en face d’eux le parti républicain représenté par toutes ses nuances, fort différentes, et par la plupart de ses chefs, divisés par la tactique autant que par la conception doctrinale. »

« Aujourd’hui les idées ont marché », ajoutait-il. C’est un tout autre parti que la société a devant elle. Pour ce parti, « il faut que le pouvoir soit confié aux classes qui ne possèdent rien ». L’indignation où le met une telle prétention n’aveugle pas le représentant des classes qui possèdent tout. Il montre l’émeute du 12 mai, comme un acte de la lutte de classe poursuivie par ce parti nouveau.

« Ce n’est plus seulement la classe des propriétaires fonciers qu’on désigne comme des oppresseurs féodaux, dit-il, ce sont aussi les propriétaires de capitaux, les chefs de commerce et d’industrie, qu’on associe à la même proscription, sous le nom d’exploiteurs, et qu’on ne saurait trop désigner à la haine des exploités, c’est-à-dire de ceux qu’ils font vivre. » Mérilhou traça ce dernier trait sans rire.

« Vous le voyez, ajoutait-il, ce n’est pas seulement une révolution politique qu’on a eue en vue, c’est une révolution sociale. » Rien de pareil en effet en 1834. Rien non plus à Lyon, en 1831, où l’insurrection a bien le caractère d’un mouvement de classe, mais est plutôt une grève exaspérée jusqu’à la bataille, par le désespoir de n’avoir pu faire l’entente avec les patrons sur un tarif plus équitable. « Ici, dit Mérilhou, c’est la propriété qu’il faut reviser, modifier, transférer ; c’est la conspiration de Babeuf passée de l’état de projet insensé à une sanglante exécution. »

Le rapporteur avait soigneusement compulsé les journaux révolutionnaires. Il s’attacha à donner des extraits du Moniteur républicain et de l’Homme libre, établissant le double caractère communiste et révolutionnaire de ces hommes nouveaux. Nulle société secrète qui ne compte quelque agent de police. Mérilhou put donc lire les formules d’affiliation aux Saisons et impressionner le public par le récit terrifiant des serments exigés des néophytes pour les lier par l’obéissance la plus absolue à leurs chefs.

On procédait, dans ces initiations, par questions graduées. Lorsque le néophyte n’avait pas la parole facile, on lui soufflait la réponse à faire, rédigée en formule.

Réunissons quelques [extraits des deux formules, celle des demandes et celle des réponses :

« … 2. D. Comment la royauté, que tu déclares si mauvaise, se maintient--