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les Droits de l’Homme. Là étaient dit-il, les « républicains les plus sérieux ». Ce groupe fut le noyau de la célèbre société des Droits de l’Homme, lorsque les Amis du peuple eurent disparu.

D’autres sociétés encore étaient écloses au soleil de juillet. L’étudiant Sambuc en avait fondé une dénommée Société de l’ordre et du progrès. Cette société était tout entière composée d’étudiants, et chacun de ses membres était tenu d’avoir un fusil et des cartouches, ce qui prouve bien que les avis étaient partagés en ce temps sur la manière d’assurer l’ordre et le progrès. La manière de Sambuc n’ayant pas été unanimement approuvée par la jeunesse républicaine des écoles, on vit surgir une seconde société, fondée et dirigée par Marc Dufraisse et Lhéritier. Cette société demandait « l’éducation libre, gratuite, obligatoire et purement laïque. »

Citons encore la Société gauloise, fondée par Thielmam. Cette association était organisée hiérarchiquement, militairement. Il en était de même des Amis de la patrie et des Francs régénérés, qui ne durèrent pas davantage qu’elle, l’Union, société d’allure nettement révolutionnaire, ne survécut guère aux barricades sur lesquelles elle était née. La liste sera à peu près complète si l’on y ajoute deux sociétés dont la plupart des membres actifs durent faire partie des sociétés citées plus haut : la Société des condamnés politiques, à laquelle Fieschi devait s’affilier en 1834, bien qu’il eût été condamné sous Louis XVIII pour un délit étranger à la politique, et les Réclamants de Juillet, organisés par O’Reilly pour participer aux secours et aux décorations accordés aux vainqueurs par le nouveau gouvernement. On ne sera pas surpris d’apprendre que le chiffre des Réclamants de Juillet finit par s’élever jusqu’à cinq mille. Ils n’en furent certainement point, les vaillants jeunes gens qui, par un ordre du jour, décidèrent que les quatre croix de la Légion d’honneur accordées par le lieutenant-général aux étudiants en droit seraient placées dans l’amphithéâtre de l’école. Pas davantage ceux d’entre les étudiants en médecine qui proposèrent un refus en bloc fondé sur ce motif : « qu’un devoir national accompli en commun ne doit pas recevoir une récompense individuelle. »

Dans son discours sur les associations libérales et républicaines, Manguin fut amené à parler de celle des saint-simoniens. Voici, d’après le Moniteur, dans quels termes il le fit :

« À Paris, une secte demi-religieuse et demi-philosophique s’est formée. Elle a tout ce qui accompagne l’enthousiasme, les idées généreuses et les erreurs. Elle a notamment sur la propriété des idées qui lui sont propres. (Mouvements d’étonnement. Plusieurs voix. Que veut-il dire ?… D’autres. Ce sont les saint-simonistes… On rit.)

« Certes, ce qu’il y a de moins à craindre en France, c’est d’y voir prévaloir le principe de la communauté des biens… (On rit). Fraction à peine aperçue dans la société, on a fait de cette secte l’objet d’un effroi universel !.. (Voix nombreuses Non ! non ! personne n’y pense). Sur ce qu’en ont dit ses écrivains, chacun a pu trembler pour sa propriété (Mêmes dénégations). On a cru voir la loi agraire à sa porte. (On rit, et de longs murmures s’élèvent.) »